La désignation des saints se veut d'abord et avant tout une affaire de spiritualité. Mais elle reflète aussi souvent des préoccupations plus terre à terre d'ordre politique et stratégique, préviennent des spécialistes.

La volonté du pape Benoît XVI de canoniser le pape Pie XII - au coeur d'une polémique sur l'attitude de l'Église catholique face à l'Holocauste - en est un bon exemple, juge le sociologue des religions français Jean-Louis Schlegel. «On sent qu'il y a une volonté, à travers lui, de blanchir l'Église pour son attitude durant la Seconde Guerre mondiale», dit M. Schlegel, qui juge aussi «dérangeante» la volonté du pape de canoniser son prédécesseur, Jean-Paul II.

«Il semble qu'il faille faire des papes des modèles, des saints vivants, et les canoniser dès leur mort pour les laver de la moindre critique», dit-il.

Claude Langlois, historien du catholicisme, pense que cette tendance reflète peut-être la «fragilisation» de l'Église catholique.

«Ça donne l'impression que le pouvoir du pape n'est pas suffisant et qu'il faut le renforcer en disant qu'il est un saint.... Or, on ne peut être à la fois le chef, le prophète et le saint», dit l'universitaire français.

La canonisation est aussi utilisée pour soutenir le rayonnement de l'Église, souligne M. Langlois. Le pape Jean-Paul II, qui a béatifié et canonisé plus de religieux qu'aucun de ses prédécesseurs, visait clairement à «indigéniser» la sainteté, à lui donner un caractère local, illustre le spécialiste.

La nature même du processus de canonisation limite à un petit nombre de personnes celles qui sont susceptibles d'accéder à la sainteté, note M. Schlegel.

Il faut en effet disposer de ressources financières considérables et d'influence à Rome pour faire avancer les dossiers de canonisation, ce qui favorise les membres des congrégations religieuses les plus importantes, dit-il.