De nombreux citoyens de la région du ministre, Claude Béchard, ont défilé sous les drapeaux en berne dans son village natal, vendredi, afin de saluer une dernière fois le politicien mort prématurément du cancer cette semaine.

Peu après midi, ils étaient des dizaines massés devant le centre municipal de Saint-Philippe-de-Néri, 150 km à l'est de Québec, où la dépouille de M. Béchard, qui avait 41 ans, avait été amenée quelques minutes plus tôt.

Un flot continu de personnes a animé tout au long de l'après-midi la place devant l'église, à quelques mètres des drapeaux en berne de la maison de la culture et de la petite école.

Venues du village, d'autres localités de la circonscription ou de la région, les visiteurs devaient faire la file pour entrer dans la salle municipale et offrir leurs condoléances à la famille du ministre.

Parmi eux, Nathalie Dionne et sa mère, Carmelle Paradis, ont bien connu M. Béchard, puisqu'elles habitaient en face de la maison familiale, à Saint-Philippe-de-Néri.

«C'était un boute-en-train, a dit Mme Dionne, en sortant de la salle municipale. Il aimait rire. Rire de lui-même, rire des autres aussi mais toujours de façon respectueuse.»

Mme Dionne, qui a deux ans de moins que M. Béchard, a côtoyé le politicien à l'école mais aussi lors de joutes de hockey ou de parties de cartes dans le voisinage.

«Il était très intelligent, a-t-elle dit. On s'attendait à ce qu'il se tourne soit vers le journalisme, l'histoire ou la politique. On a deviné juste.»

M. Béchard est mort mardi, deux ans après avoir appris qu'il était atteint d'un cancer de l'oesophage, qui l'a obligé à cesser ses activités une première fois pendant plusieurs mois. Après une rémission qui lui avait permis d'effectuer un retour à l'Assemblée nationale, le ministre a été victime d'une récidive, l'hiver dernier.

Amaigri, il était cependant revenu sur les banquettes du parlement, en juin dernier, pour revoir ses collègues, a déclaré vendredi la ministre de la Culture Christine St-Pierre, mais aussi parce qu'il était passionné par la politique au point d'en avoir besoin.

«Je suis convaincue que la politique le tenait en vie, a-t-elle dit avant d'aller saluer la famille de M. Béchard. Bien sûr il y avait aussi la famille, les enfants. Mais ça le tenait. Il avait un objectif, c'était très précis dans sa tête. Il voulait continuer.»

M. Béchard a tenu à conserver ses fonctions ministérielles jusqu'à la toute fin, annonçant sa démission mardi matin quelques heures seulement avant sa mort, comme s'il venait de lâcher prise, a affirmé Mme St-Pierre.

«Je n'étais pas dans son intimité mais pour avoir déjà accompagné quelqu'un dans la mort, je dirais que lorsqu'il n'y a plus d'objectif ni de projet, c'est la fin, a-t-elle dit. Ça s'est accéléré.»

Des funérailles nationales seront célébrées samedi à la cathédrale Sainte-Anne-de-La-Pocatière, à quelques kilomètres du village natal de M. Béchard. Environ mille personnes sont attendues, dont le premier ministre Jean Charest.

Rencontré en avant-midi à quelques pas de l'église du village, Jacques Rossignol, un mécanicien retraité de 65 ans, a raconté comment il a vu grandir M. Béchard, qui durant l'été et les fins de semaines aider un livreur de produits laitiers à faire sa tournée dans le secteur de Saint-Philippe.

M. Rossignol l'a ensuite vu le politicien plonger dans l'arène mais demeurer toujours aussi accessible et simple dans ses rapports, des qualités qu'il a rapprochées de celles de Mario Dumont, l'ancien chef adéquiste qui a été député de la circonscription voisine de Rivière-du-Loup, dans la même région du Bas-Saint-Laurent, avant de démissionner.

«Les meilleurs hommes qu'on a eus ici, c'est Mario Dumont et Claude Béchard, a-t-il dit, en s'attristant du décès du ministre. Parce qu'ils étaient comme nous autres. Tu pouvais parler à ça.»