Les siens l'ont accompagné là où il sera à l'abri de la douleur. Là où il ne pourra plus être rejoint par la peur.

Plus de 1000 personnes s'étaient rassemblées samedi midi à la cathédrale de Sainte-Anne-de-la-Pocatière pour rendre un dernier hommage à Claude Béchard, fauché à 41 ans, le plus jeune Québécois salué par des funérailles nationales.

> Relisez la dernière entrevue que Claude Béchard a accordée à La Presse, en juin dernier.

Le premier ministre Charest a livré un poignant témoignage. Il a évoqué tout l'appétit que son ministre avait pour la vie publique, dans un hommage devant l'assistance. Pendant des semaines il avait échangé avec Claude Béchard, convaincu qu'il valait mieux pour lui d'alléger ses responsabilités.

«Je trouvais qu'il en avait trop, qu'il devait se reposer un peu... il trouvait qu'il n'en avait pas assez» a rappelé M. Charest.

Au retour d'un voyage officiel à Winnipeg en août dernier les deux hommes échangent à bord de l'avion: «Je voulais qu'il ralentisse. Je lui ai dit: Claude, avant la politique, il y a la vie! Il m'a répondu: Ma vie c'est la politique!».

Déjà, depuis deux ans, on savait que «la mort marchait dans ses pas», mais après cet échange, «soudain j'ai entendu le son des pas... Il se rapprochait de son destin», a raconté M. Charest.

Mais la vie de Claude Béchard était bien plus que la politique. De partout au Québec, des fidèles, des amis, des anciens compagnons de route ont tenu à se rendre dans le Bas du Fleuve pour souligner la contribution de Claude Béchard, élu dans Kamouraska-Témiscouata depuis 1997.

La famille avait décidé de faire passer le cortège par la route secondaire, un dernier voyage à travers les hameaux du bord du fleuve. Pendant deux jours, des centaines de personnes avaient défilé devant le cercueil dans la salle communautaire de Saint-Philippe-de-Néri, son village natal.

Partout des yeux rougis, parfois des sanglots venus de jeunes dans la quarantaine, autant des hommes que des femmes. Jean Charest, comme bien des ministres, était clairement consterné. Son épouse, Michèle, avait les yeux pleins d'eau au sortir de l'église. Douloureux contraste entre toutes ces mines attristées et la journée splendide.

Depuis deux ans les Québécois avaient assistés aux bons et mauvais jours du parcours du jeune député, «on a fait la bataille avec toi Claude» résumera M. Charest, un témoignage retransmis jusqu'au sous-sol de la cathédrale où se trouvaient quelques centaines de citoyens qui n'avaient pu trouver de place dans la nef.

Surtout, ses proches sont venus témoigner. Avec aplomb l'aînée de ses filles Justine, 10 ans, est venue rappeler que l'église était remplie «de monde qui t'aime et je pense que jamais personne va t'oublier». Mylène Champoux, la conjointe, sciée par la douleur, avait écrit un texte lu par sa soeur, Marie Claude : «Je t'aime et je t'aimerai toujours» lançait-elle à son conjoint «emporté par la mer».

Témoignage savoureux aussi de sa soeur ainée, Hélène. Le fils d'agriculteur avait fini par étudier dans «les gros livres» qu'enfant il enviait à son frère; Béchard s'était rendu au doctorat en sciences politiques.

À la porte de la cathédrale s'entendait le concert des hommages avant que n'arrive le cercueil, couvert d'un fleurdelisé, porté notamment par certains de ses disciples - Stéphane Gosselin et Claude Eric Gagné, deux anciens chefs de cabinet.

Sans équivoque, c'était l'heure d'une trêve pour les politiciens ou les anciens compagnons d'arme.

La plupart des élus libéraux et plusieurs péquistes avaient trouvé place dans l'église.

Jacques Dupuis et Mario Dumont faisaient côte à côte une entrevue à la télé.

«Les gens de l'opposition se souviennent que Claude était "tough" mais il ne faisait jamais d'attaques personnelles, c'est pourquoi ils sont ici!» observe M. Dupuis qui a connu Béchard aux heures où le futur politicien était encore recherchiste au Parlement. Il avait vu Béchard à la toute veille de son décès. «Il était réaliste, je l'ai vu pensif. Il m'a dit; il se pourrait bien que je ne vois jamais le premier amoureux de ma fille aînée!»

«Ce qu'on garde de Claude c'est son sourire, malgré le drame, l'injustice... on ne veut pas pleurer sa mort, on veut célébrer sa vie» dira-t-il, émotif.

«Il avait le don de nous faire rire, sourire, même aux jours plus tristes. Les gens vont se souvenir de son rire contagieux» observait aussi Jean Charest.

Pour Mario Dumont la rivalité des deux coqs régional -ils étaient voisins de comté- sont bien loin. «Claude c'était un gars d'intensité, qui a affronté les derniers mois avec dignité et courage» résume l'ex-adéquiste.

Pour Nathalie Normandeau, Béchard avait comme elle l'obsession du développement régional, il était «le pivot» de sa région. «Les gens sont venus ici pour lui rendre tout ce qu'il a donné comme député. En région comme ici, le député c'est un phare» rappelle-t-elle.

Pauline Marois était à l'étranger. Gilles Duceppe, le chef du Bloc, est venu dire du bien de Béchard qu'il ne connaissait guère cependant, a-t-il reconnu.

Président du caucus péquiste Martin Lemay se souviendra du politicien combatif qui devenait immédiatement chaleureux une fois l'affrontement terminé. Amir Khadir était aussi venu de Montréal pour marquer son respect à l'endroit de «cet adversaire redoutable».

Christian Paradis, ministre fédéral des Ressources naturelles, rappelait ses premiers contacts avec Béchard, il y a 20 ans, chez les jeunes du PLQ. Le député de Kamouraska aura beaucoup inspiré de jeunes qui ont fait le saut en politique selon lui.

Pour Lise Thériault ministre du Travail, «même s'il est parti jeune, Claude laisse aux politiciens un bel héritage...il était d'une drôlerie incroyable, mais on retiendra surtout le courage dont il a fait preuve depuis deux ans.

Norman MacMillan, ministre délégué aux Transports pense déjà au geste qu'il faudra poser pour marquer sa mémoire. Sur l'Internet un mouvement est déjà amorcé pour que la route 85 en direction du Nouveau-Brunswick porte son nom. «C'est l'autoroute Claude Béchard c'est sûr, il a travaillé tellement fort... il faut attendre un an, mais le mouvement est déjà commencé» explique le ministre MacMillan.