La commission Charbonneau a prévu de nombreuses exceptions pour que les témoignages dans le cadre de ses futures audiences se déroulent derrière des portes closes plutôt qu'en public.

Après avoir rejeté une requête présentée par une coalition de médias, la commission d'enquête sur l'industrie de la construction a adopté des règles de procédure lui permettant d'imposer le huis clos «lorsque les circonstances l'exigent», pour assurer notamment:

> la protection des parties, des témoins ou du public;

> le maintien de l'ordre et l'administration efficace de l'enquête;

> le respect des privilèges reconnus en droit et du secret professionnel;

> la protection des enquêtes policières en cours;

> la protection de la vie privée;

> la protection contre la diffamation;

> un procès juste et équitable aux personnes qui ont des litiges existants ou à venir;

> la protection de renseignements confidentiels, y compris les secrets commerciaux;

> le respect de tout autre droit, lorsque jugé nécessaire par les commissaires.

Ces neuf exceptions à la règle d'audience publique pourront aussi justifier l'imposition d'ordonnances «interdisant la divulgation, la publication ou la communication de tout témoignage, document ou élément de preuve».

De plus, un témoin pourra demander à la Commission d'adopter des mesures visant à protéger son identité. Il pourra lui-même demander d'être entendu à huis clos et demander l'application de toute mesure visant à protéger la confidentialité de son témoignage.

Opposition aux règles d'audiences publiques

Une coalition regroupant La Presse, The Gazette, The Globe and Mail, CTV, Global Television et Médias Transcontinental s'est opposée à ces règles de procédure, mais en vain. (La coalition comprenait aussi les autres quotidiens liés à La Presse, soit Le Soleil, Le Droit, Le Nouvelliste, La Tribune, La Voix de l'Est et Le Quotidien.)

«Si une ordonnance de huis clos ou de non-publication doit être émise chaque fois qu'il y a le moindre risque que la réputation d'une personne soit affectée ou son droit à la vie privée soit menacé, nous craignons que le secret devienne la règle et la publicité, l'exception lors des audiences de la Commission», a écrit l'avocat de la coalition, Me Mark Bantey, dans une lettre envoyée à la Commission le 16 mars.

«Les exceptions qui sont prévues dans les Règles [de procédure] quant à la publicité de l'enquête sont trop larges et vont à l'encontre des principes énoncés par la Cour suprême du Canada» dans les arrêts Dagenais et Mentuck, a ajouté Me Bantey.

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Les critères Dagenais-Mentuck prévoient qu'une ordonnance de non-publication ne doit être rendue que si:

«(a) Elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour la bonne administration de la justice, vu l'absence d'autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque;

«(b) Les effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur les droits et intérêts des parties et du public, notamment ses effets sur le droit de l'accusé à un procès public et équitable et sur l'efficacité de l'administration de la justice.»

«Étant donné que le droit fondamental de la liberté d'expression est en jeu, nos clients soumettent respectueusement que les médias doivent être avisés au préalable d'une demande d'ordonnance excluant le public des audiences ou interdisant la divulgation, la publication ou la communication de tout témoignage, document ou élément de preuve», a indiqué Me Bantey.

Le 22 mars, Me Denis Gallant, procureur de la Commission, a répondu à Me Bantey qu'il allait étudier ces demandes. Mais le 29 mars, la Commission a adopté ses règles de procédure sans tenir compte des craintes exprimées par les médias. «Vraisemblablement, la Commission est d'avis que le critère Dagenais-Mentuck ne s'applique pas à elle», conclut Me Bantey dans un courriel envoyé jeudi dernier aux membres de la coalition des médias.

Présidée par la juge France Charbonneau, la commission d'enquête sur l'attribution et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction n'a pas encore annoncé le moment où débuteront ses audiences. On prévoit toutefois que quelques experts seront entendus avant l'été et que les témoins seront appelés à comparaître l'automne prochain.

Dans le cadre de la commission, la juge Charbonneau sera secondée par deux commissaires adjoints, Roderick A. Macdonald et Renaud Lachance. Renaud Lachance est l'ex-vérificateur général du Québec et Roderick MacDonald est titulaire de la chaire F.R. Scott en droit public et constitutionnel à l'Université McGill.

> Les règles de procédure peuvent être consultées sur le site de la commission Charbonneau.