La commission Charbonneau a appris que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a photographié d'importants entrepreneurs en construction pendant l'opération antimafia Colisée, mais la GRC refuse de lui remettre les photos, comme tout le reste de son enquête.

Les avocats de la Commission et de la GRC ont débattu de ce litige pendant deux jours en Cour supérieure. La juge Guylène Beaugé rendra une décision vendredi prochain.

Dans un courriel déposé à la Cour et daté du 31 janvier, Nicodemo Milano, enquêteur à la Commission, dit qu'il a participé à l'opération Colisée, laquelle a décapité le clan Rizzuto. Il travaillait alors à la police de Montréal, qui épaulait la GRC.

«Dans le cadre de mes démarches d'enquête dans l'octroi et la gestion de contrats publics dans l'industrie de la construction, j'ai obtenu des informations contemporaines et précises que je dois valider», explique M. Milano.

«Des sources me parlent de photos», ajoute-t-il. Plusieurs passages de son courriel sont caviardés, c'est-à-dire noircis pour les rendre illisibles. Mais, dans le contexte, il est évident qu'il s'agit de photos de rencontres entre des entrepreneurs en construction et des membres de la mafia.

Des documents publics de l'opération Colisée indiquent que Frank Catania, fondateur de la firme Frank Catania et associés, a été filmé en compagnie du patriarche Nick Rizzuto au quartier général de la mafia, le café Consenza.

La Presse a appris qu'un autre entrepreneur, plus important, a été photographié à Laval avec Vito Rizzuto, parrain de la mafia. Depuis, Vito Rizzuto a été arrêté, extradé et emprisonné aux États-Unis pour un triple meurtre. On ignore ce que cet entrepreneur faisait ce jour-là avec le parrain de la mafia, mais la commission Charbonneau pourrait souhaiter le lui demander.

Dans son courriel, M. Milano indique que, «dans le cadre du projet Colisée, les compagnies de construction suivantes ont fait l'objet des diverses techniques d'enquête». Il en nomme sept, mais leurs noms sont caviardés.

Contrat de travaux publics

Pourquoi s'intéresse-t-il à ces firmes? demande-t-il dans son courriel adressé à l'enquêteur Mario Lamothe, nommé par la Commission pour servir d'agent de liaison avec la GRC. «Celles-ci sont impliquées directement dans l'octroi des contrats de travaux publics au Québec», explique M. Milano.

«J'ai de l'information à l'effet que les responsables et les associés des compagnies, ci-haut inscrits, ont été identifiés/mentionnées/ciblés dans Colisée», écrit-il.

M. Milano ajoute cette demande: «Est-ce que je pourrais avoir, à partir des banques de données (surveillances physiques, écrous, passeports) de la GRC, les photos des personnes suivantes?» Il en nomme 12. Dans ce cas aussi, tous les noms sont caviardés.

Dans un interrogatoire déposé à la Cour, le surintendant Gaétan Courchesne, responsable des enquêtes criminelles de la GRC au Québec, confie que la GRC a transmis 5000 documents issus de l'opération Colisée à l'escouade Marteau, de la Sûreté du Québec (SQ).

Au préalable, la GRC avait caviardé une partie de ces documents. Lorsque la commission Charbonneau s'est adressée à la SQ pour les obtenir, le corps policier a prévenu la GRC. Celle-ci a alors mobilisé neuf policiers et employés pour les caviarder une deuxième fois.

La GRC, corps de police fédéral, prétend qu'elle n'a pas le droit de transmettre des photos, des vidéos et des transcriptions d'écoute électronique à une commission d'enquête provinciale, ce que conteste la commission Charbonneau.