Le gouvernement Charest rejette la condition des fédérations étudiantes pour reprendre les pourparlers.

Il refuse que la FEUQ se présente avec deux représentants de la CLASSE au sein de son comité de négociation. La ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, ne veut voir à la table que des représentants de la FEUQ, de la FECQ et de la Table de concertation étudiante, «et pas des gens d'autres associations», a expliqué son attachée de presse, Hélène Sauvageau.

L'impasse persiste donc dans le conflit entre Québec et les étudiants, au lendemain de l'exclusion de la CLASSE de la table de discussion.

En avant-midi, la FEUQ a décidé de céder à la CLASSE deux places au sein de son comité de négociation. «On démontre une unité et une solidarité exemplaires. Le gouvernement devrait en prendre acte», a lancé sa présidente Martine Desjardins. «On désire reprendre les négociations avec le gouvernement pour régler la crise qui nous oppose, mais pas à n'importe quelle condition», a renchéri son collègue de la FECQ, Léo Bureau-Blouin. «Pour orchestrer une sortie de crise intelligente, il faut que toutes les associations étudiantes soient présentes (...) et fassent partie de la solution.»

Le porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, a accepté la proposition de la FEUQ. «Si le gouvernement Charest refuse de nous accueillir, il devra justifier devant la population ce refus de régler la crise», a-t-il lancé.

Selon lui, «il y a un bloc uni des associations qui demandent à Mme Beauchamp de parler principalement de la hausse des droits de scolarité».

En cas de refus du gouvernement de les rencontrer avec deux membres de la CLASSE, la FEUQ et la FECQ évoquaient la possibilité de créer une «table virtuelle» où chaque partie échangerait des propositions.

Avant les deux conférences de presse des associations, Line Beauchamp espérait que la FEUQ et la FECQ larguent la CLASSE. «Je suis sûre qu'elles ont un sens des responsabilités et qu'elles ne veulent pas être prises en otage par une autre association, la CLASSE, qui utilise l'intimidation et la violence.», disait-elle.

Questionné sur la condition de la FEUQ, M. Charest déclarait que «ce n'est pas au prix de la violence et de l'intimidation qu'on accepte de négocier». Il a ajouté: «Nous voulons un dialogue qui est fait dans le respect, ça a toujours été une condition minimale pour que nous puissions se parler. C'est incontournable. On va continuer comme nous l'avons fait avec ouverture à travailler avec ceux qui veulent travailler avec nous sur la base des mêmes valeurs».

Jean Charest se défend d'avoir jeté de l'huile sur le feu en excluant la CLASSE, surtout qu'une manifestation avait lieu mercredi soir. Dire que le gouvernement «en assumant ses responsabilités démocratiques, qui sont légitimes, auraient légitimité des actions, c'est faux», a-t-il répondu. Il ne faut pas «déresponsabiliser ceux qui posent des gestes de violence».

Selon Line Beauchamp, le gouvernement «a encore des propositions à faire aux associations».

L'idée de reporter la hausse d'une année est écartée. «Ce serait faire gagner ceux qui utilisent la violence», a dit Mme Beauchamp. Et «le moratoire n'est pas une option».

Mais comme lundi, elle laisse la porte ouverte à l'idée d'étaler la hausse des droits de scolarité sur plus de cinq ans - six ou sept par exemple. «Je ne vais pas commencer à discuter cet élément sur la place publique», a-t-elle affirmé.

Pour les associations étudiantes, toute solution doit toucher aux droits de scolarité. Elles réclament un gel.

La Presse a révélé ce matin qu'au cours des 40 heures de discussion, Québec a offert 35 millions pour bonifier les prêts et, surtout, les bourses. Il a proposé d'augmenter de 35 000 $ à 45 000 $ le revenu parental maximal permettant à un étudiant de toucher toutes les bourses et tous les prêts offerts par le régime d'aide financière aux études.

Cette mesure affecterait directement le montant des bourses, alors que la bonification du régime annoncée par Québec le 5 avril, de 21 millions $, ne faisait qu'augmenter le niveau des prêts. Un étudiant n'ayant aucun revenu dont les parents gagnent 45 000$ par année pourrait toucher jusqu'à 1900$ de plus en bourses.

Selon une source qui était à la table de négociation, cette mesure coûte entre 35 et 40 millions de dollars. Québec suggérait de réduire du même montant le crédit d'impôt applicable aux droits de scolarité.

De son côté, le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, estime que la CLASSE «encourage la violence». Gabriel Nadeau-Dubois a nié avoir appelé à la violence. Martine Desjardins reproche au gouvernement de lancer une «vendetta personnelle» contre le porte-parole de la CLASSE. «C'est un cirque. Ça a assez duré. Ce n'est pas une personne qui peut porter sur son dos toute la violence et les actions faites au cours de derniers jours.» Selon elle, «le fait de voir des manifestations dégénérées est lié directement au fait que la ministre a tardé à appeler les gens à la table de discussion».

Les manifestations s'enchaînent à Montréal

Face à cette impasse, une autre manifestation intitulée «Holy Shit manif nocturne prise 3» est prévue ce soir à 20h30 au parc Émilie-Gamelin, à Montréal.

Le maire de Montréal Gérald Tremblay dit craindre que les débordements lors des manifestations étudiantes n'aboutissent à un incident tragique.

«Pourquoi attendre une tragédie pour trouver une solution,» demande-t-il.