Il suffisait d'entendre la voix indécise de Gilles Duceppe à la radio, jeudi, pour comprendre que l'opération qu'il a déclenchée pour avoir la mainmise sur le PQ fera long feu. «J'ai confiance que les militants péquistes et leur chef prendront les bonnes décisions...», a dit l'ex-chef du Bloc, d'un ton étonnamment hésitant.

La réponse est venue, très claire, hier: «Je vais assumer mes responsabilités jusqu'au bout comme chef du Parti québécois», a répliqué Pauline Marois, qui s'était entretenue préalablement avec Duceppe. «Il m'a donné l'assurance qu'il allait respecter mon choix.» Elle ne partira pas, l'affaire est entendue. C'est comme une répétition du scénario de 2007, alors que Gilles Duceppe avait levé la main lors du départ d'André Boisclair. Il avait dû piteusement s'effacer devant Pauline Marois après quelques jours à peine.

Bien sûr, l'état-major de l'ex-bloquiste réuni hier midi misait énormément sur les prochains sondages et sur leur impact auprès des députés, qui seront réunis en caucus la semaine prochaine. Et avec des chiffres alarmants, l'incertitude gagnerait les militants réunis en conseil national le week-end du 27 janvier.

Mais la tentative de putsch, plutôt improvisée, dépend désormais d'éléments sur lesquels Duceppe n'a guère d'emprise. Sans la défection de François Rebello et la sortie percutante de Bernard Drainville, on peut se demander s'il aurait même donné le feu vert à ses organisateurs, Pierre-Paul Roy, Bob (Yves) Dufour et François Leblanc, pour qu'ils entament des démarches auprès de l'aile gauche du PQ.

Aux Fêtes, Gilles Duceppe n'était plus partant pour enclencher une campagne contre Mme Marois. Au début du mois de janvier, il a même pensé à venir l'épauler alors qu'elle était revenue à la charge, une cinquième fois lors d'un souper au Mexique. Il a finalement refusé... au bout de quelques jours de réflexion.

Puis, après quelques entretiens avec ses conseillers, il s'est subitement convaincu de tenter un retour. Sa femme, Yolande, y est aussi très favorable. Il veut «s'inclure dans l'équation», faire savoir aux militants qu'il est «disponible».

Il a donc sondé les démissionnaires - Louise Beaudoin et Lisette Lapointe sont prêtes à revenir. Lundi, MM. Roy et Dufour ont rencontré Marc Laviolette et Pierre Dubuc, les ténors du SPQ libre, pour leur faire savoir qu'ils pouvaient ouvrir le feu.

L'assaut de cette semaine, avec les seuls Marc Laviolette et Pierre Dubuc pour monter au créneau, s'est rapidement essoufflé. En l'absence d'organisation, personne n'a pris le relais le lendemain. Pas de président d'association qui se déclare en faveur de l'arrivée de Duceppe, aucun député non plus.

Pauline Marois, elle, peut compter sur tout l'appareil du parti. Cette semaine, ses conseillers ont relancé sans relâche par téléphone la dizaine de «mutins» du caucus. Certains ont été convoqués à une rencontre «entre quat'z'yeux» à la Place Ville-Marie.

«À force de traverser les tempêtes, elle prouve sa détermination, elle s'attire des sympathies», confie l'un des députés les plus durs à l'endroit de Mme Marois, après avoir été «confessé» par sa chef.

Il y a deux semaines, l'association de circonscription de Rosemont a voté une résolution contre Mme Marois, en donnant toute latitude au président Pierre Yves Mailhot de juger s'il était pertinent de la présenter au conseil national. «Bien des choses sont survenues depuis, je n'ai pas l'intention de déposer quoi que ce soit», a confié hier M. Mailhot.

Bernard Drainville, qui ne faisait pas mystère de son désir de voir Pauline Marois plier bagage, est subitement rentré dans le rang. L'arrivée de Gilles Duceppe était pour lui le scénario du pire: le frère de Duceppe l'avait bloqué en 2007 dans la circonscription qu'il convoitait, Joliette. D'ailleurs, chez les députés, personne ne fait la vague pour Gilles Duceppe, qui a toujours sa souplesse d'ex-sympathisant du Parti communiste ouvrier: avec ses lieutenants, il maintenait une poigne de fer sur le caucus bloquiste.

Gilles Duceppe pourrait ramener au bercail les Louise Beaudoin et Lisette Lapointe? Pauline Marois riposte immédiatement: elle est aussi «rassembleuse», avec les candidatures d'un Daniel Breton - néo-démocrate jusqu'à tout récemment - et du Dr Réjean Hébert, candidat déjà défait par Monique Gagnon-Tremblay, en Estrie. Et avec un discours très souverainiste à l'Université de Montréal, elle compte boucler la boucle lundi.

Mais les sondages, inévitables la semaine prochaine, resteront pour elle comme une épée de Damoclès à la veille d'une réunion du caucus déterminante, mercredi et jeudi, à Joliette.