Sans avoir lu le rapport de Jacques Duchesneau au sujet de la collusion et la corruption dans l'industrie de la construction, le premier ministre Jean Charest persiste et signe.

Il s'en tient à la série de mesures que son gouvernement a adoptées ces derniers mois afin de contrer le mal qui ronge ce secteur.

«Il faut laisser les enquêteurs faire leur travail», a-t-il réaffirmé vendredi, au lendemain de la publication par La Presse et Radio-Canada du rapport de l'Unité anticollusion du ministère des Transports.

Ce rapport, rédigé après des entrevues avec 500 personnes par M. Duchesneau, l'ex-chef de police de Montréal, et son équipe, décrit les modus operandi du crime organisé, des firmes de génie-conseil, des entrepreneurs et des partis politiques.

Mais selon M. Charest, il faut faire la part des choses entre allégations et faits. «Il peut y avoir des allégations, mais entre des allégations et la réalité des faits il y a une distance», a-t-il dit.

M. Charest a affirmé vendredi qu'il n'avait pas convoqué la presse pour réagir au contenu du rapport Duchesneau, qu'il n'a d'ailleurs pas lu.

«Je ne veux pas commenter le rapport de M. Duchesneau, dit-il. Le rapport a été mis sur la place publique. Les gens en prendront connaissance. L'objet principal de notre présence aujourd'hui est de parler de ce que nous faisons pour combattre la corruption et la collusion.»

«Nous agissons pour obtenir des résultats, a affirmé M. Charest. C'est une action globale, déterminée et soutenue. Aucun gouvernement avant nous n'en a fait autant pour lutter contre la corruption et la collusion. Nous nous donnons les moyens pour régler le problème. Nous mettons en place des outils permanents et indépendants.»

M. Charest était accompagné vendredi du ministre de la Sécurité publique Robert Dutil et de son collègue des Transport Pierre Moreau.

M. Dutil a insisté sur le caractère permanent de la principale mesure adoptée par le gouvernement libéral, soit la création de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), dotée d'un budget annuel de 30 millions.

«L'UPAC est inspirée des meilleures pratiques dans le monde, a dit M. Dutil. Nous lui avons donné des moyens financiers et législatifs et c'est un organisme indépendant.»

«Les pouvoirs de l'UPAC sont importants, a poursuivi M. Dutil. Le commissaire de l'UPAC a un pouvoir d'enquête, comme ce serait le cas dans une enquête publique. Il a un pouvoir de recommandation, tout comme pour une enquête publique. Et le commissaire a le devoir de rendre publics les stratagèmes deux fois par année.»

De son côté, M. Moreau a affirmé qu'il prévoyait rencontrer sous peu M. Duchesneau au sujet de la façon de mettre en oeuvre ses recommandations.

Vendredi après-midi, sur les ondes de TVA, M. Charest a répondu en particulier à l'immense majorité de Québécois et d'organismes de toutes sortes qui croient qu'il est temps de donner une suite à la Commission Cliche, qui avait enquêté sur la construction dans les années 70.

«Si on avait fait une unité permanente il y a 25 ans, on ne serait pas dans la situation où on est aujourd'hui, a-t-il dit. Et dans le cas de la commission Cliche, il y avait déjà des preuves, des faits.»

Quant au rapport Duchesneau, il affirme qu'il en prendra connaissance «forcément» parce qu'il est «dans le domaine public».

«Je n'ai pas lu le rapport en détail, j'ai vu les infos qui ont été rendues publiques, a-t-il dit en conférence de presse. Mais ces rapports ne sont pas rédigés pour le bureau du premier ministre. Le politique ne se mêle pas des enquêtes. Nous nous attendons à ce que ces informations soient relayées à l'UPAC.»