Le président de SNC-Lavalin, Pierre Duhaime, s'interroge sur la crédibilité du rapport Duchesneau, qui fait état du gonflement institutionnalisé du coût des travaux routiers au Québec et de l'infiltration du crime organisé.

«Ce qui est étonnant, c'est que le rapport en touche aussi grand avec aussi peu de faits. Ça m'a étonné de voir un rapport aussi peu étoffé, mais qui fait beaucoup d'allusions. Ç'a été mon premier étonnement. Pour le reste, j'ai lu surtout la partie du rapport qui concerne le génie-conseil et ça, ça m'a troublé. Le fait que ce soit devenu un système impossible m'a troublé [...]. Chez SNC-Lavalin, ça n'existe pas», a-t-il dit aux journalistes, en marge d'un dîner-conférence organisé par le Cercle canadien de Montréal.

Dans son discours devant les gens d'affaires, Pierre Duhaime a rappelé les faits d'armes de SNC-Lavalin, qui fête son centenaire cette année. L'entreprise de Montréal est présente sur cinq continents et donne du travail à 24 000 personnes, dont 6000 au Québec. Son chiffre d'affaires est de quelque 6 milliards de dollars.

Pierre Duhaime juge qu'il n'y a pas plus de problèmes au Québec qu'ailleurs dans le monde. Il ne croit pas qu'une enquête publique sur la construction améliorera les choses. Il fait plutôt confiance aux mesures mises en place par le gouvernement de Jean Charest depuis deux ans. L'homme d'affaires dit par ailleurs ne pas avoir constaté une baisse de prix de 10 à 20% des soumissions depuis la mise en place de l'escouade Marteau, contrairement aux informations véhiculées dans certains médias.

Concernant le rapport Duchesneau, l'homme d'affaires affirme ne pas comprendre le passage qui concerne les «extras». Selon le document, des entreprises soumissionnent à un bas prix au ministère des Transports (MTQ) en sachant à l'avance qu'elles obtiendront plus grâce aux «extras» facturés en surplus. Certaines firmes emploieraient même des spécialistes qui empochent 10% de commission sur ces «extras».

Un ingénieur ayant travaillé dans différentes firmes de génie-conseil a aussi dévoilé aux enquêteurs un stratagème pour constituer des caisses occultes. «Mettons que l'ingénieur de la firme chargée de la surveillance doit autoriser un extra de 100 000$ pour des travaux supplémentaires. Il trouve le moyen d'aller chercher le double auprès du MTQ. Il y a donc un 100 000$ blanchi à se partager: la firme pourra l'utiliser pour contribuer à des caisses électorales et l'entrepreneur pour payer ses travailleurs au noir», a-t-il révélé aux enquêteurs.

Selon Pierre Duhaime, les «extras» dans un contrat existent. Il a toutefois donné des exemples chez SNC-Lavalin où il n'y a pas eu de dépassement de coûts, notamment la Maison symphonique et le train Canada Line, à Vancouver. Il croit que le chantier du Centre universitaire de santé McGill respectera aussi son budget.

«Je ne dis pas que le rapport n'est pas crédible. Simplement, il vise très large [...]. La crédibilité vient des auteurs, vient du travail fait. Mais la plupart de l'information qu'il y a dans ce rapport vient de sources anonymes. Alors on peut en déduire ce qu'on veut», a dit M. Duhaime.

SNC-Lavalin a remporté une vingtaine de prix pour la qualité de son travail, l'an dernier, a-t-il souligné, notamment pour sa transparence et ses pratiques de gouvernance. Selon lui, SNC-Lavalin se distingue par le respect de ses employés, des communautés où elle est active et de l'environnement. L'entreprise s'est également dotée d'une politique de l'éthique stricte.

«Des situations récentes peuvent soulever des doutes, mais ces situations sont prises au sérieux et vérifiées, car nous avons une politique de tolérance zéro à l'égard des comportements non désirés», a dit M. Duhaime aux gens d'affaires.

Il faisait notamment référence aux perquisitions de la GRC dans des bureaux de SNC-Lavalin en Ontario, au début du mois de septembre. La GRC a déclenché une enquête après que la Banque mondiale lui eut fait part de ses soupçons de corruption à l'égard d'employés de SNC-Lavalin dans la construction d'un pont au Bangladesh. Lundi, M. Duhaime a indiqué que la firme menait aussi sa propre enquête interne.

L'homme d'affaires soutient que les contrats du MTQ ne représentent que de 2 à 3% du chiffre d'affaires de son entreprise. Il qualifie toutefois sa firme comme le chef de file des partenariats public-privé (PPP) au Canada, un mode de gestion qui a mené à la conception de la Maison symphonique, notamment.