C'est «probablement [aujourd'hui], après la rencontre du Conseil des ministres», que Jean Charest présentera sa réponse aux problèmes de collusion et de corruption. C'est ce qu'a indiqué hier le leader parlementaire adjoint du gouvernement, Henri-François Gautrin. Il n'a pas voulu révéler quel type de commission d'enquête M. Charest voudrait instituer. Mais il semble en avoir pris connaissance, car il s'est dit satisfait par sa proposition.

Selon les informations colligées par La Presse, le gouvernement Charest a entrepris des démarches auprès d'un juge qui envisage de diriger la commission, mais le choix n'était pas encore arrêté hier. Les discussions se poursuivaient. On était encore à peaufiner le texte du mandat de la future commission qui aura beaucoup de temps pour remettre son rapport. Il faut s'attendre à ce que ce soit au moins un an, voire davantage.

C'est depuis la fin du mois de septembre que les conseillers politiques du premier ministre se sont mis à jongler avec des noms. Parmi les noms évoqués de «commissaire idéal» on retrouvait Sheila Fraser, l'ex-vérificatrice fédérale, ainsi que Pierre Michaud, juge à la retraite à la Cour d'appel. On avait suggéré aussi Guy Breton, un vérificateur général du Québec qui a pris sa retraite il y a une dizaine d'années.

Il est probable qu'on demande aux commissaires de scruter une longue période, les 15 dernières années, par exemple. Il faut aussi s'attendre à ce que la commission ait à lever publiquement le voile sur les «stratagèmes» utilisés pour pervertir le système de soumissions publiques, plutôt que de s'attarder à débusquer des contrevenants.

L'équilibre entre les audiences publiques et à huis clos n'était pas encore définitif hier, mais Québec insistera pour que la commission ne puisse en aucun cas servir de tribune susceptible de salir des réputations d'individus ou de firmes. Le premier ministre Charest a cité de nouveau le rapport de Jacques Duchesneau, qui a préconisé qu'une partie importante de l'enquête se tienne à huis clos.

Hier matin, le caucus des députés libéraux s'est réuni beaucoup plus tôt qu'à l'habitude, à 8h, ce qui a alimenté les rumeurs qu'une décision serait annoncée la journée même. À l'exception de M. Gautrin, tous les députés libéraux ont gardé le silence à la sortie. Au caucus, on a longuement repris au profit des élus la liste des gestes faits par Québec depuis deux ans pour contrer la corruption. «C'était comme une répétition pour le congrès» qui se déroulera cette fin de semaine à Québec. Dans un tour de table, les députés ont indiqué la pression des attentes dans leur circonscription. Le premier ministre et les ministres proches du dossier n'ont pas précisé les intentions qui seront annoncées par Québec aujourd'hui, après la réunion du Conseil des ministres, qui commence à 11h.

Charest entretient le mystère

Le chef de l'Action démocratique du Québec, Gérard Deltell, a demandé à M. Charest de suivre l'exemple du premier ministre du Canada, Stephen Harper. Pour enquêter sur l'affaire Mulroney-Schreiber, M. Harper avait demandé à un juriste reconnu et indépendant de définir le mandat d'une commission d'enquête. M. Charest n'a pas répondu à cette question.

La chef du Parti québécois, Pauline Marois, ne comprend pas pourquoi le gouvernement tarde à présenter sa proposition. «Il me semble que c'est très simple. Il s'agit de répondre positivement à la population québécoise», a-t-elle lancé. Ce que la population veut, selon elle: «une commission d'enquête publique, complètement indépendante des intérêts du Parti libéral et avec un mandat qui ne protégera personne».

«La volonté de la population d'avoir une commission d'enquête est très claire», a admis hier matin le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil. Mais il dit craindre pour les conséquences sur les enquêtes policières. M. Charest et son leader parlementaire, Jean-Marc Fournier, ont répété en Chambre que trois principes guidaient leur réflexion: protéger la preuve, protéger les victimes et s'assurer que la commission n'empêche pas que de nouvelles accusations soient déposées.