Constructions Louisbourg ltée et Simard-Beaudry Construction inc. ont proposé à la Régie du bâtiment que leurs licences soient suspendues pendant un peu plus de quatre mois, ce que la Régie a accepté. Mais cela ne touche pas la majorité des entreprises de la famille de Tony Accurso, qui ont presque les mêmes noms... mais pas tout à fait.

La suspension des licences de Constructions Louisbourg ltée et de Simard-Beaudry Construction inc. n'affecte en rien la licence commune de Constructions Louisbourg (sans ltée), de Simard-Beaudry Construction (sans inc.) ou de Louisbourg SBC, société en commandite sous laquelle fonctionnent la plupart des entreprises du groupe.

Malgré tout, c'est une première. Louisbourg ltée et Simard-Beaudry inc. faisaient toutes les deux l'objet d'une enquête de la Régie du bâtiment depuis le 7 décembre 2010, date à laquelle elles avaient plaidé coupable à des accusations de fraude fiscale. Elles avaient éludé le paiement d'un impôt d'environ 4 millions de dollars, en déclarant des dépenses non déductibles grâce à un stratagème de fausses factures.

Au cours d'une audience, en octobre, la Régie a ajouté que leur propriétaire, Tony Accurso, avait aussi fait de fausses déclarations en affirmant que Louisbourg ltée n'avait jamais été déclarée coupable d'infractions à la Loi sur la santé et la sécurité du travail. En vérité, Louisbourg ltée avait commis 32 infractions à cette loi, et plusieurs assez graves.

C'est un autre motif de sanction. Le procureur de M. Accurso, Me Louis Demers, a proposé que les deux entreprises voient leurs licences suspendues pour quelques mois. La Régie a accepté cette offre: elles le seront du 1er février au 30 juin (pour Louisbourg ltée) et du 1er février au 10 juin (pour Simard-Beaudry inc.).

«Signal sérieux»

Environ 80% du chiffre d'affaires des deux entreprises provenait de contrats publics. Or, toutes les deux voient aussi leurs licences «restreintes» pendant quatre ans, en vertu de récentes modifications à la Loi sur le bâtiment. Pendant ces années-là, elles ne pourront pas obtenir de contrats publics. Cependant, il faut noter que c'est Louisbourg SBC qui a la plupart des contrats publics. La licence de cette entité n'est ni suspendue ni restreinte.

Le premier ministre Jean Charest a quand même fait l'éloge des efforts de son gouvernement pour punir les fraudes. «Ce qu'il faut retenir, c'est à quel point on prend au sérieux cette question de la construction, a-t-il dit. Les Québécois ont aujourd'hui, dans les faits, un signal du sérieux du gouvernement.»

«Dans la plupart des régions où on a fait des travaux, ils sont presque terminés, et il y a des garanties pour s'assurer que les travaux se fassent, a-t-il ajouté, en faisant allusion aux travaux en cours de Louisbourg ltée et de Simard-Beaudry inc. On n'est pas inquiets. Les travaux vont continuer.»

Dérogation à la régie

«Tous ces contrats ont toujours des garanties de cautionnement, a souligné le ministre des Finances, Raymond Bachand. Les compagnies d'assurances interviennent pour faire terminer les travaux parce que c'est leur responsabilité légale de le faire.»

En décembre, Montréal avait indiqué avoir un seul contrat avec Simard-Beaudry Construction inc. et un autre avec Constructions Louisbourg ltée. Le premier chantier était terminé alors que le second était terminé à 96%. La Ville avait tout de même demandé une dérogation à la Régie du bâtiment pour laisser ces mandats aux deux entreprises afin de protéger la garantie.

L'entreprise soeur Louisbourg SBC, qui possède une licence distincte, avait pu conserver ses contrats, notamment pour la réfection de l'avenue du Parc. «La loi 35 n'empêche pas une entreprise appartenant à la même famille de M. Accurso de rafler des millions de contrats à la Ville de Montréal, a déploré le conseiller Alex Norris, du parti de l'opposition Projet Montréal. Ça ne fait que renforcer le cynisme du public envers le processus d'octroi des contrats.»

- Avec Denis Lessard et Pierre-André Normandin