Michel Chartrand, Andrée Ferretti, Nick Auf der Maur, René Bataille, Daniel Waterlot. Les noms des quelque 500 Québécois incarcérés lors de la crise d'Octobre 1970 figurent maintenant sur un monument érigé devant la maison Ludger-Duvernay qui abrite les bureaux de la Société Saint-Jean-Baptiste, rue Sherbrooke Ouest à Montréal.

Quarante ans jour pour jour après la proclamation de la Loi sur les mesures de guerre, le monument commémoratif des prisonniers d'octobre 1970 a été dévoilé samedi après-midi en présence de l'ancien premier ministre du Québec, Bernard Landry, du député du Bloc québécois, Serge Ménard, ainsi que de prisonniers et fils de prisonniers de la crise d'Octobre.

L'oeuvre été réalisée par l'artiste Marcel Barbeau, l'un des 16 signataires du Refus global, à la demande la SSJB et de la Fondation Octobre 70. Les noms des 500 prisonniers ont été gravés sur quatre plaques entourées par des barreaux de prison.

«Un monument de 20 000$, quand on a 36$ dans le compte de banque, au départ, ce n'est pas évident, a lancé le président de la Fondation 70, Germain Bataille, dont le père René a passé 13 jours en prison. Je pense que mon père serait fier!»

«Nous avons un devoir de mémoire et de gratitude envers ceux et celles qui ont été victimes d'une injustice qui a été la honte du Canada, a déclaré Bernard Landry. Est-ce qu'une démocratie envoie 500 personnes en prison brutalement sans accusation, sans qu'ils aient violé la loi? Ça ne s'oublie pas et ça ne doit pas s'oublier. Des abus de pouvoir sont toujours possibles.»

Évoquant l'échec du Canada à réintégrer le Conseil de sécurité de l'ONU, Bernard Landry a ajouté que si les événements d'octobre 70 avaient été médiatisés ailleurs dans le monde, le Canada n'aurait jamais eu droit à un siège au Conseil de sécurité. Il a ensuite poursuivi en insistant sur «l'urgence» de faire l'indépendance du Québec.

Le député du Bloc québécois et ancien ministre de la Justice du Québec, Serge Ménard, a lui aussi évoqué le devoir de mémoire tout en précisant que rien de peut justifier les crimes commis par le Front de libération du Québec à l'endroit de James Cross et de Pierre Laporte. «Tous ceux qui ont été arrêtés n'étaient pas des membres du FLQ, a-t-il rappelé. C'était tous des innocents. Arrêtés la nuit, sans mandat, incommunicado (sans possibilité de communiquer). C'est une injustice grave commise à l'endroit d'innocents dont nous nous souvenons ici.»

Incarcérée pendant 51 jours, l'écrivaine et ex-présidente du Rassemblement pour l'indépendance nationale, Andrée Ferretti a dénoncé l'atteinte à la démocratie qu'a été la proclamation de la Loi sur les mesures de guerre. Le 16 octobre 1970, onze policiers et militaires sont débarqués chez elle pour l'arrêter. «Ce monument pour moi dévoile la face anti-démocratique du Canada», a-t-elle lancé.

Serge Ménard a souligné l'importance qu'une telle situation ne se répète pas, dans des circonstances différentes. «Quand je vois l'indifférence que suscitent les lois antiterroristes actuelles, je suis inquiet.» Le cinéaste Alain Chartrand, fils du syndicaliste Michel Chartrand, a lui aussi appelé à la vigilance. «La liberté demeure fragile, comme on l'a vu au sommet du G20.»