Quatre anciens hauts fonctionnaires exhortent Stephen Harper de se conformer aux principes des Nations unies sur la statistique et d'apporter des changements à la loi canadienne, afin d'éviter que la confiance du public dans les données recueillies par Statistique Canada ne s'érode davantage.

Dans une lettre envoyée au premier ministre cette semaine, et obtenue par La Presse, l'ancien statisticien en chef du Canada, Ivan Fellegi, l'ex-gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, et les anciens greffiers du Conseil privé, Mel Cappe et Alex Himelfarb, ont rappelé les principes fondamentaux de la statistique au bon souvenir du premier ministre.

Adoptés par l'ONU en 1994, dans la foulée de l'éclatement du bloc soviétique, ces principes visaient à éviter que le pouvoir politique dans certains pays ne tente d'influencer la collecte ou la publication de données officielles. Ils rappelaient l'importance cruciale de la confiance du public dans ce secteur.

Confiance mise à mal

Or, selon les auteurs, la controverse qui a éclaté au cours de l'été au sujet du prochain recensement a lourdement mis à mal cette confiance envers Statistique Canada. Depuis juillet, en effet, divers groupes composés de chercheurs, gens d'affaires, politiciens et communautés religieuses, ont dénoncé la décision du gouvernement Harper de remplacer le formulaire long obligatoire par un formulaire court obligatoire.

Selon ces groupes, ainsi que selon l'ex-statisticien en chef Munir Sheikh, qui a démissionné il y a quelques semaines en guise de protestation, cette nouvelle formule affectera sans aucun doute la fiabilité des données recueillies.

«C'est ainsi que nous exhortons le gouvernement à reconfirmer l'engagement du Canada en faveur des Principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations unies», ont écrit ces anciens hauts fonctionnaires influents.

Les auteurs ont également proposé quelques changements à la Loi sur la statistique. S'ils étaient adoptés, ces changements donneraient au statisticien en chef l'entière compétence en ce qui a trait au volet méthodologique du travail de l'agence. Ils lui donneraient aussi la possibilité de fournir au public les informations nécessaires pour interpréter les données et juger de leur fiabilité.

S'ils avaient été en vigueur lorsque le gouvernement Harper a demandé à Statistique Canada de se débarrasser du formulaire long obligatoire, ces changements auraient donc permis au statisticien de s'y opposer ou, à tout le moins, de mettre les utilisateurs en garde contre leurs limites et leurs défauts.

Mais à entendre la réaction du bureau du premier ministre, en fin de journée hier, il y a peu de chances que Stephen Harper se rende aux arguments des anciens fonctionnaires. «On respecte aussi les principes fondamentaux de ne pas mettre les gens en prison ou de leur donner des amendes s'ils refusent de répondre à des questions personnelles», a répliqué le directeur des communications du premier ministre, Dimitri Soudas.