Après s'être fait depuis des mois le grand défenseur de la décision de son gouvernement d'éliminer le caractère obligatoire du formulaire détaillé de recensement, voilà que le passé du conservateur Maxime Bernier à la barre du ministère de l'Industrie revient le hanter.

Car, bon soldat, M. Bernier avait lui-même défendu l'utilité du questionnaire long obligatoire, à l'époque où il était ministre de l'Industrie, en 2006.

Mais depuis quatre ans, le député et son gouvernement ont eu le temps d'étudier la question et de changer d'idée, a-t-il rétorqué jeudi, en entrevue téléphonique.

Le libéral Bryon Wilfert a ressorti des oubliettes une lettre écrite en 2006 par le député conservateur de Beauce, dans laquelle ce dernier plaide que le recensement est nécessaire au gouvernement pour obtenir des informations importantes.

M. Bernier souligne, dans la missive qui a été rendue publique jeudi par les libéraux, que «toutes les questions sont définies afin de répondre à d'importants besoins en informations qui seraient extrêmement difficiles à satisfaire de façon efficace en utilisant d'autres sources».

Le gouvernement conservateur a annoncé discrètement, fin juin, qu'il transformerait le questionnaire long obligatoire en une «Enquête auprès des ménages» à réponse volontaire car il refuse d'obliger les Canadiens à répondre à des questions qu'il juge «intrusives».

Or, dans sa lettre, M. Bernier argue que les questions sont approuvées par le conseil des ministres, après avoir été soigneusement étudiées. Et il souligne également que les informations révélées dans le cadre du recensement sont «nécessaires et utilisées uniquement pour des raisons statistiques» et que les données privées sont bien protégées par Statistique Canada.

«En 2006, le même M. Bernier qui parlait (cet été) de 1000 lettres par jour qui se plaignaient contre le recensement, ce même M. Bernier disait haut et fort que l'information qui était recueillie par ce recensement était absolument essentielle», a dénoncé le libéral, Marc Garneau.

Maxime Bernier a cependant répliqué qu'il n'y avait rien d'étonnant à ce que son gouvernement et lui-même ait cheminé, depuis 2006, et changé de position après avoir étudié davantage la situation.

«J'aime mieux choisir entre la liberté de choix qu'avoir une marge d'erreur plus précise», a affirmé l'ancien ministre.

L'opposition dénonce la décision des conservateurs, car un recensement volontaire ne permettra pas d'obtenir la même qualité de données statistiques, selon elle. Une inquiétude qui a été appuyée par les témoignages d'experts en comité parlementaire.

M. Bernier a depuis le début de cette affaire défendu vigoureusement la décision de son gouvernement, en faisant notamment valoir qu'il avait reçu au-delà d'un millier de plaintes par jour sur le formulaire long obligatoire de recensement, lorsqu'il était ministre de l'Industrie. Et les troupes conservatrices ont maintes fois plaidé avoir choisi d'écouter les plaintes de leurs électeurs afin de justifier leur décision.

Mais le député a reconnu cette semaine ne pas être en mesure de détailler la nature et le nombre de plaintes envoyées à son bureau, car les courriels ont depuis été détruits.

«Qu'il y ait eu une plainte ou 100 plaintes, ça ne change pas le fait que c'est une question de principe sur laquelle mon gouvernement s'est basé. Et c'est basé sur respecter la liberté de choix des citoyens», a-t-il rétorqué.

Les libéraux déplorent en outre qu'en défendant l'utilité du recensement, lorsqu'il était ministre en 2006, M. Bernier l'a fait au nom de tout le conseil des ministres. Et au moment où M. Bernier dirigeait le ministère de l'Industrie, Tony Clement - aujourd'hui à l'Industrie - était ministre de la Santé.

«Quand le ministre prend position, il le fait au nom de tout le conseil des ministres (...) Alors on peut présumer que M. Clement appuyait cela en 2006», a questionné Bryon Wilfert, en point de presse jeudi.

Dans sa lettre de 2006, M. Bernier répondait à une première lettre envoyée par Bryon Wilfert, qui faisait part au ministre de l'époque des inquiétudes de l'un de ses électeurs quant à la longueur du formulaire de recensement et l'information qui lui était réclamée. Tentant de défendre leur décision, les conservateurs s'en étaient notamment pris à M. Wilfert cet automne, en rappelant qu'il avait lui-même rapporté des inquiétudes de ses électeurs.