La bonne vieille règle de l'obéissance, la première associée à la vie militaire, n'est plus nécessairement la plus privilégiée dans les Forces canadiennes. La compréhension a pris sa place.

La discipline reste importante, mais les soldats sont de plus en plus éduqués et professionnels, a assuré, en entrevue récemment à La Presse Canadienne, la major Nadine Fortin, juge-avocate adjoint, conseillère juridique du Groupement tactique du 2e Bataillon du Royal 22e Régiment de Valcartier, actuellement déployé dans la province de Kandahar, en Afghanistan.De par ses fonctions, l'avocate militaire est appelée à rédiger des avis sur des infractions, à conseiller les officiers avant et pendant les opérations et à former les militaires sur les règles très strictes encadrant l'usage de la force.

«On axe sur le «comprendre», plus que sur l'obéissance comme dans les vieux films (où on voyait les soldats) obéir au doigt et à l'oeil», a expliqué la major, dont le bureau, dans les quartiers du Groupement tactique de l'aérodrome de Kandahar, est toujours très populaire notamment en raison de la présence d'une machine à espresso.

L'obéissance, «ce n'est pas ce qu'on recherche, a fait remarquer la major Fortin. Oui, c'est sûr que la discipline est importante. Oui, à un moment donné, il faut obéir aux ordres, mais je pense que la compréhension est importante, même pour la loyauté.

«Quand tu sais ce que tu fais, habituellement, tu vas le faire plus aisément que si tu ne comprends rien, a poursuivi l'avocate militaire. On axe sur le côté professionnel de la chose. (...) On a des gens intelligents. On a des gens de plus en plus éduqués. C'est une armée professionnelle.»

De fait il n'est pas rare de rencontrer des soldats de la régulière et de la réserve bardés de diplômes, tandis que c'est pratiquement la norme chez les officiers et les hauts gradés. Le commandant du Royal 22e Régiment, Jocelyn Paul, rappelait en entrevue récemment qu'il avait demandé à ses officiers de lire beaucoup en préparation pour la mission. Les préparatifs précédant le déploiement des membres des groupements tactiques canadiens durent pratiquement un an. Le transfert des connaissances s'avère également crucial dans la relève d'un Groupement tactique par un autre, pour la mise à jour de la situation.

«On fait de la formation continue, en ce qui a trait aux opérations, en ce qui a trait à l'usage de la force, on en fait constamment», a précisé, de son côté, l'avocate militaire, qui est régulièrement consultée par des officiers ou des tireurs d'élite confrontés à des situations inédites, où ils doivent prendre des décisions conformes aux règles canadiennes et aux conventions internationales.

Celle qui doit rédiger les avis juridiques sur toutes les infractions, sauf dans cinq cas mineurs, a assuré qu'elle n'en reçoit pas plus à Kandahar qu'à la garnison à Valcartier, en dépit du stress des troupes au combat et des situations extrêmes auxquelles elles sont exposées.

«Les sergents-majors (responsables de la discipline) n'attendront pas que ça dégénère, a-t-elle dit. Ils vont resserrer la vis, si c'est nécessaire. On se rend à l'action disciplinaire quand les autres moyens ne fonctionnent pas. Il y a bien des choses qui vont se faire avant, pour réajuster le tir. Le leadership est souvent plus important.»

Le «sens du système de justice militaire» demeure de maintenir la discipline, a convenu Nadine Fortin, et la discipline prend tout de même «toute son importance» en théâtre d'opération, peu importe la situation ou la fatigue.

Ce n'est pas plus complexe ici, en Afghanistan, mais les situations sont différentes de celles vécues au Canada, a-t-elle indiqué. L'accent sur la sécurité est plus prononcé en zone de guerre, a-t-elle cité en exemple.

Selon elle, il est «possible» qu'elle observe davantage de problèmes disciplinaires à la fin de la «Rotation 7» du Royal 22e Régiment, dans six mois. «La fatigue pourrait jouer», a-t-elle affirmé, en ajoutant toutefois que les troupes en action ici sont aguerries et avant tout concentrées sur les opérations.

«Ils sont concentrés, ici, les gens! Ils comprennent le sens de leur travail. Ils n'ont pas le temps de faire des niaiseries non plus. Je pense qu'il y a une discipline personnelle qui est acquise une fois qu'ils sont arrivés ici. T'es dans du vrai, t'es pas juste à l'entraînement. Ca, ca fait en sorte que les gens restent concentrés sur le terrain. Et les journées sont occupées pas mal à plein temps.»

Le contingent canadien en Afghanistan compte sept avocats militaires. Outre Nadine Fortin au Groupement tactique, deux sont de service à la Force opérationnelle interarmées de l'Afghanistan, le haut-commandement du corps expéditionnaire, un est affecté à l'Equipe provinciale de reconstruction, un autre sert de mentor pour l'armée afghane, un représente le Canada au quartier-général de la Région Sud de l'OTAN et, enfin, un est posté à Kaboul, la capitale.

Le corps expéditionnaire canadien en Afghanistan compte un peu moins de 3000 militaires, principalement concentrés dans la province de Kandahar. Le Groupement tactique du 2e Bataillon du Royal 22e Régiment, la force de combat canadienne, a pris la relève récemment du 3e Royal Canadian Regiment de Petawawa, en Ontario, pour six mois.