Malgré leurs efforts incessants pour obtenir des réponses de la part du gouvernement à leurs questions, les partis d'opposition ont été confrontés à une toute nouvelle stratégie des conservateurs, mardi: les troupes de Stephen Harper ont boycotté une réunion du comité parlementaire sur l'Afghanistan.

Les membres avaient été convoqués par le président du comité lui-même, le conservateur Rick Casson, pour discuter de la possibilité de tenir des réunions pendant la relâche parlementaire du temps des Fêtes, d'ici le 25 janvier, et pour dresser la liste des invités qu'ils aimeraient appeler à témoigner.

«On va devoir réagir. On ne peut pas laisser ça aller puis laisser le gouvernement prendre en otage la démocratie.

C'est ce qu'ils ont fait aujourd'hui», s'est indigné le porte-parole bloquiste en matière de défense, Claude Bachand.

Le comité se penche sur les allégations de torture qu'auraient subie des détenus afghans transférés par les Forces canadiennes aux autorités locales, depuis que le diplomate Richard Colvin a révélé avoir avisé dès 2006 plusieurs hauts dirigeants des risques de mauvais traitement dans les prisons afghanes.

Face à cette nouvelle stratégie de la part du gouvernement, l'opposition était visiblement déstabilisée, mardi après-midi. Tant que le comité ne tiendra pas une réunion où il y aura quorum, soit sept membres, aucune autre assemblée ne pourra être mise à l'horaire.

Et au moment où des rumeurs circulent à l'effet que le premier ministre Harper pourrait proroger le Parlement jusqu'aux Jeux olympiques de février, l'absence des conservateurs au comité n'a rien fait pour calmer le jeu.

«Ce gouvernement veut se cacher, il ne veut rien révéler. Il veut plutôt courir. Et c'est pour cela qu'il y a des rumeurs de prorogation», a estimé le porte-parole libéral en matière de défense, Ujjal Dosanjh.

Libéraux, bloquistes et néo-démocrates sont donc déterminés à trouver un moyen de faire avancer leur enquête dans ce dossier. Les six députés présents ont transporté leur rencontre loin des médias, afin de discuter de leur propre stratégie pour répliquer au gouvernement.

Mais une chose est certaine, ont-ils tous argué, voilà la preuve que le gouvernement est prêt à tout pour empêcher le comité de faire la lumière dans cette affaire.

«Ce n'est pas parce qu'on a un gouvernement opaque qu'il faut arrêter notre travail. On a une responsabilité comme parlementaires de poursuivre notre travail, et le gouvernement ne pourra pas nous en empêcher», a fait valoir M. Bachand, lors de la brève réunion informelle qu'ont tenue les membres de l'opposition.

Les conservateurs se sont vivement défendus d'avoir boycotté la réunion du comité, plaidant qu'ils avaient proposé de tenir la rencontre par téléconférence, afin de pouvoir demeurer dans leurs circonscriptions, mais que l'opposition a refusé.

«Les événements ont eu lieu il y a des années, ils ont été examinés plusieurs fois. (...) Il n'y a absolument rien d'urgent qui doive être fait à cette réunion de planification avant Noël», a soutenu le député conservateur Laurie Hawn, en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne depuis son comté d'Edmonton.

Mais pour le néo-démocrate Paul Dewar, les conservateurs ont manqué à leur devoir de parlementaires.

«Le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense (M. Hawn) sera disponible pour des entrevues avec les médias, mais il n'est pas disponible pour un comité parlementaire? C'est ahurissant», a scandé le porte-parole du NPD en matière de défense.

«Cela me prend quelques minutes, pas les 12 heures d'un aller-retour à Ottawa», lui a répliqué M. Hawn.

Cannon assure que l'entente fonctionne

En matinée mardi, le ministre canadien des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a par ailleurs soutenu, contrairement aux propos couchés sur papier quelques jours plus tôt, que l'entente actuelle sur le transfert des détenus en Afghanistan fonctionnait bien.

La semaine dernière, le ministre fournissait une réponse écrite au Parlement dans laquelle il affirmait que les autorités afghanes n'informaient pas toujours le Canada lorsqu'elles libéraient un détenu.

«L'entente (de transfert) de mai 2007 établit que le gouvernement du Canada doit être informé avant la libération d'un détenu transféré par les Canadiens aux autorités afghanes. Cependant, cet avertissement a présenté un défi», détaillait-il dans le document.

Un article paru dans le Globe and Mail, lundi, en concluait que les Canadiens ne pouvaient pas toujours retracer les prisonniers capturés par les militaires canadiens qui étaient ensuite transférés aux Afghans.

M. Cannon l'a toutefois démenti, en marge d'un point de presse qu'il tenait avec le premier ministre haïtien, assurant qu'Ottawa pouvait bel et bien retracer tous les détenus qui sont passés entre les mains de ses militaires.

«C'est parce que l'information n'avait pas été transmise au moment opportun. (...) Alors il faut constamment améliorer ces ententes-là et c'est dans cette perspective-là que j'ai fait mon commentaire», a-t-il expliqué.