Le ministère des Affaires étrangères a dépensé plus de 1 million de dollars afin d'examiner les milliers de pages de documents que réclamaient les trois partis de l'opposition sur les détenus afghans remis aux autorités par les soldats canadiens.

Selon ce que La Presse a appris hier, le gouvernement Harper a transmis plus de 16 000 pages de documents pertinents au comité mis sur pied par les conservateurs, les libéraux et les bloquistes. Ce comité doit évaluer si ces documents peuvent être rendus publics sans risquer de nuire à la sécurité nationale.

«Nous avons déployé d'importantes ressources afin de recueillir, d'examiner et de préparer des documents pour les divers processus en cours, que ce soit en vertu de la Loi sur l'accès à l'information ou à la demande de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, du comité parlementaire ad hoc ou du comité parlementaire spécial sur l'Afghanistan», affirme-t-on dans une note d'information adressée au ministre Lawrence Cannon.

Une facture qui grimpe

Cette note est datée du 22 septembre 2010. Résultat: la facture totale liée à la divulgation de ces documents controversés risque d'être plus élevée encore puisque le Ministère a continué de passer au crible des milliers de pages pour les remettre au comité tripartite.

Le Parti libéral, le Bloc québécois et le NPD se battent depuis des mois pour obtenir ces fameux documents, qui pourraient permettre, selon eux, d'établir si le gouvernement Harper savait que des détenus afghans capturés par les soldats canadiens risquaient la torture lorsqu'ils étaient remis aux autorités afghanes.

Le gouvernement a toujours soutenu qu'il n'en savait rien. À bout de patience, les trois partis de l'opposition ont adopté, le 10 décembre 2009, une motion à la Chambre des communes demandant aux conservateurs de Stephen Harper de rendre publics les fameux documents.

Le gouvernement Harper a décidé de passer outre jusqu'à ce que le président de la Chambre, Peter Milliken, dans une décision historique rendue en avril 2010, déclare que le gouvernement avait porté atteinte aux privilèges parlementaires de l'opposition en refusant de donner suite à la motion.

On a ensuite créé en juin 2010 un groupe de parlementaires qui ont prêté un serment de confidentialité afin de pouvoir consulter les documents non censurés.

Le NPD avait refusé de participer aux travaux du comité, jugeant que cet exercice muselait les députés de l'opposition. Mais le comité a été mis sur pied il y a presque neuf mois, et aucun document n'a encore été rendu public.

L'opposition perd patience

Interrogé au sujet des coûts liés à la divulgation des documents, hier, le député néo-démocrate Paul Dewar a de nouveau condamné l'obstruction du gouvernement Harper: «Quand nous avons demandé une enquête publique pour savoir la vérité dans le dossier de la torture en Afghanistan, les conservateurs ont dit que cela coûterait trop cher. Or, il s'avère qu'il y a un coût, finalement, pour obtenir la vérité. Tout cela démontre qu'on ne peut faire confiance aux conservateurs pour dire la vérité. Je suis aussi déçu que les libéraux et les bloquistes aident les conservateurs dans cette affaire.»

La semaine dernière, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a sommé le gouvernement Harper de divulguer les documents non censurés au plus tard le 15 avril, que des élections soient déclenchées ou non, faute de quoi son parti se retirera du comité. Le retrait du Bloc québécois pourrait enlever toute crédibilité au comité, selon M. Duceppe.

- Avec William Leclerc