La Ville de Laval a omis de tenir compte de l'activité immobilière dans le secteur Le Bergerac lorsqu'elle a vendu sa terre à une firme de Giuseppe Borsellino, nous indique un nouveau document.

Au début du mois de décembre, La Presse a révélé que la Ville de Laval a vendu des terres au rabais à M. Borsellino, connaissance du maire Gilles Vaillancourt. Une des terres, de près de 1 million de pieds carrés, a été vendue à une firme de M. Borsellino pour 1,20$ le pied carré en 2004. Au même moment, Giuseppe Borsellino a acheté les terres voisines pour 2,10$ le pied carré. Les terres sont situées au nord du boulevard Saint-Elzéar, entre les boulevards Curé-Labelle et Daniel-Johnson.

Le comité exécutif dit s'être fié au service d'évaluation de la Ville pour vendre le terrain 1,20$ le pied carré. Interrogé par La Presse, l'évaluateur en chef, René Lemire, a notamment affirmé que son service ne savait pas que M. Borsellino faisait main basse sur les terres voisines pour y construire le projet. Une telle information est capitale, car elle est de nature à faire bondir le prix des terrains du secteur.

Or, une note de service que La Presse a obtenue nous indique que le service d'évaluation connaissait bel et bien les ambitions de Giuseppe Borsellino. Dans cette note, le chef de division du service d'urbanisme, Sylvain Dubois, donne son opinion sur la vente de la terre.

Il soutient que c'est le service d'évaluation qui lui a appris que Giuseppe Borsellino devenait propriétaire des terres voisines. «M. Borsellino désire acquérir (la) terre (de la Ville) afin de permettre la consolidation de sa banque de terrains dans ce secteur. Cette acquisition permettra le développement résidentiel dans le prolongement du projet domiciliaire Le Bergerac.»

Cette information est cruciale dans l'évaluation du prix de vente. Elle suit la même logique qu'en Bourse: lorsqu'une entreprise est la cible d'une acquisition sur les marchés boursiers, le prix des actions s'enflamme. Or, à Laval, loin de s'enflammer, le prix du terrain de la Ville a été vendu à un prix étonnamment bas par rapport à celui des terres voisines.

Les transactions ont été réalisées à l'automne 2003 et notariées au début de 2004. C'est le directeur général de la Ville, Claude Asselin, qui a demandé au service de l'évaluation d'estimer le prix de la terre de la Ville, nous indique une autre note de service.

Or, Claude Asselin a fait des affaires personnelles avec Giuseppe Borsellino à la même époque. En 2004, il lui a acheté un lot à bon prix pour y faire construire sa fastueuse demeure. Le lot n'est pas situé dans le quartier Le Bergerac, mais dans un autre projet de M. Borsellino, en bordure de la rivière des Mille-Îles, à Laval.

Ce lot aménagé a été payé 14,32$ le pied carré, ce qui lui a fait économiser environ 50 000$ par rapport au prix payé par les voisins pour leur terrain à la même époque (19,68$ le pied carré en moyenne). La maison de M. Asselin qui a été érigée sur ce terrain vient d'être vendue pour 1,4 million de dollars.

Une autre anomalie entoure l'achat du lot de M. Asselin, a constaté La Presse. La transaction a été notariée en mai 2004, mais elle est née d'un avant contrat entre MM. Asselin et Borsellino daté de septembre 1999. Or, en septembre 1999, Giuseppe Borsellino n'était pas encore propriétaire du lot en question.

Officiellement, l'entreprise de M. Borsellino est devenue propriétaire des terrains du secteur seulement en mars 2000, selon l'acte notarié. Autrement dit, le DG de la Ville a su d'avance les visées de M. Borsellino dans ce secteur et il lui a fait une offre sur un lot qui n'était ni sa propriété ni subdivisé.

Précisons que la subdivision d'une terre en petits lots nécessite une approbation de la Ville. Claude Asselin était DG de la Ville à l'époque. La Presse n'a pas d'information sur son degré de participation dans la subdivision de ces terrains.

Joint au téléphone, Claude Asselin admet qu'il ne savait pas où était précisément situé son futur terrain lorsqu'il a fait l'offre d'achat en 1999. Il ne peut expliquer comment il a pu faire une offre d'achat sur un terrain à M. Borsellino alors que ce dernier n'en était pas propriétaire.

«À l'époque, je me suis informé pour savoir qui était le propriétaire de ce terrain sur le bord de l'eau et je l'ai appelé. Je demeurais dans le quartier», a-t-il dit à La Presse en guise d'explication. Quant à la terre du secteur Le Bergerac, il dit ne pas avoir de souvenir de la transaction.