C'est isolé sous les quolibets, les «Dehors!», «Pourri!» et une forte protection policière que le maire de Mascouche a repris ses fonctions au cours de la première séance du conseil municipal de l'année. Un retour agité après son retrait de la scène politique locale.

Richard Marcotte a vécu une soirée houleuse et un peu particulière puisque les citoyens l'ont forcé à leur accorder une séance de questions de deux heures en lieu et place de la réunion du conseil.

Le maire s'est prêté seul à cet exercice, avec le greffier comme seul voisin, puisque les huit conseillers ont décidé de quitter leur siège pour rejoindre les citoyens dans la salle.

«Que faites-vous ici ce soir?» a lancé une jeune citoyenne au micro, en plus de déplorer que c'est à cause de «gens comme lui» que les jeunes se désintéressaient de la politique.

Le mot «démission» a teinté la soirée. Il est revenu à de multiples reprises, y compris de la bouche de cinq des conseillers du maire, sous les applaudissements et les «Dehors, Marcotte!». Un parallèle a même été fait avec le sort réservé à l'ex-président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali. «Démissionne, démissionne!» ont scandé les 400 citoyens à un moment donné.

Plusieurs intervenants, y compris l'avocat Stéphane Handfield, ont rappelé au maire que plusieurs politiciens ou hauts fonctionnaires d'autres villes avaient eu le «courage» de démissionner parce qu'ils avaient, tout comme lui, séjourné sur le bateau de Tony Accurso. Dans une de ses répliques, le maire Marcotte a dit qu'il ne considérait pas une invitation sur le yacht Touch de Tony Accurso comme un «privilège».

Le maire a aussi eu à justifier, toujours sous les huées, le coût du déneigement des bornes d'incendie de la ville.

«Personne dans la salle ne croit que ça coûte 650$ pour déneiger une borne d'incendie», a dit un citoyen.

Il y a quelques jours, La Presse a révélé que la Ville de Mascouche versait depuis 2007, en vertu d'un contrat de cinq ans, près de 400 000$ par hiver à l'entrepreneur Normand Trudel, de Transport et Excavation Mascouche, pour déneiger 617 bornes d'incendie, soit environ 650$ l'unité. Un tarif jusqu'à 65 fois supérieur à ce qui est payé dans les autres villes du Québec pour un travail similaire.

Qui plus est, Normand Trudel a sous-traité à son tour ce contrat à un autre entrepreneur à qui il versait, selon certaines sources, environ 300$ par borne.

Une arrestation

Une heure avant le début de la séance du conseil, plusieurs citoyens faisaient déjà le pied de grue par un froid sibérien devant les portes de la salle réquisitionnée pour l'occasion. Un citoyen de 72 ans, ancien président du syndicat des pompiers, a été arrêté pour entrave au travail policier à la suite d'une altercation.

Dans un communiqué diffusé peu avant Noël, le maire Marcotte avait prévenu qu'il reprendrait «de plein droit» sa «fonction légitime de maire» à l'occasion de la première séance du conseil en 2011. Il en avait profité pour dénoncer la «fronde» menée par son conseil après qu'il eut été exclu de son propre parti, Ralliement Mascouche. Par cinq voix contre trois, le conseil avait aussi voté une motion lui demandant de démissionner de son poste de maire, en plus de réclamer sa destitution auprès du ministre des Affaires municipales.

Le maire est plongé dans la controverse depuis la diffusion, le 4 novembre dernier, d'un reportage de l'émission Enquête à Radio-Canada qui démontrait l'existence de liens étroits tissés avec l'entrepreneur Normand Trudel, qui est aussi son ami. Selon l'enquête de la télévision d'État, le maire aurait entre autres obtenu des avantages personnels de cet entrepreneur qui a obtenu pour près de 40 millions de dollars de contrats de la municipalité de 2000 à 2009.

Le 8 novembre, le maire Marcotte avait annoncé son retrait temporaire quelques heures avant le début de la séance du conseil.

Quelques jours plus tard, ses conseillers et le conseil exécutif de son parti l'avaient forcé à démissionner comme chef du parti. «Notre lien de confiance est rompu avec Richard Marcotte. Nous avons fait le choix de continuer à servir la population avec intégrité et engagement, et ce, sans lui», avaient-ils déclaré.