La télévision communautaire TVRM a retiré des ondes et de son site web une longue entrevue avec le maire de Mascouche, Richard Marcotte, après une intervention de ce dernier, a appris La Presse.

Selon nos sources, M. Marcotte s'est présenté avec son attaché politique dans les locaux de la Télévision régionale des Moulins (TVRM), jeudi dernier, 27 janvier. Après sa rencontre avec le directeur de la station, Sylvain Racine, les rediffusions prévues de l'entrevue ont été annulées.

Que s'est-il passé? «C'est trop compliqué pour nous, on n'a pas la structure juridique pour nous défendre si jamais on avait des complications», a simplement dit la coordonnatrice de TVRM, Marie-Thérèse Brousseau, en l'absence de M. Racine.

Il y a deux semaines, le maire a accordé une entrevue d'une demi-heure à Simon Paquin, journaliste de TVRM. Celui-ci l'a d'abord questionné sur ses transactions immobilières controversées, puis il est longuement revenu sur les coûteux contrats de déneigement des bornes d'incendie. Le maire Marcotte a justifié la légitimité des coûts du déneigement des bornes-fontaines confié à deux entreprises privées depuis 2007.

La Presse a révélé à la mi-janvier que Transport Excavation Mascouche, propriété de Normand Trudel, facturait 650$ pour le déneigement de chaque borne d'incendie (401 000$ au total par hiver) dans son devis, et que la firme Gauvreau & Fils facturait 500$ (203 000$ par hiver). Des prix jusqu'à 65 fois supérieurs à ce qui se pratique ailleurs au Québec.

Le maire a expliqué à TVRM qu'il est impossible de comparer ces tarifs avec d'autres villes. De plus, ajoute-t-il, seul un entrepreneur, et non les cols bleus, a la possibilité logistique de déneiger ces bornes dans un délai de 72 heures et dès qu'il y a un pouce de neige au sol, pour «éviter qu'elles gèlent». Mais du bout des lèvres, il a avoué que le conseil municipal a regardé les devis dans leur ensemble sans examiner les «détails». «Ça nous a échappé», dit-il. Il considère aussi que les exigences de déneigement citées plus haut sont «une erreur». Ce sera reconsidéré lorsque viendra le temps de faire un nouvel appel d'offres, mais cela pourrait avoir un impact sur la sécurité des citoyens: «On va être obligé de réduire le service de sécurité des bornes-fontaines. Là, elles sont bien protégées.»

À la toute fin de l'entretien, M. Paquin demande à M. Marcotte s'il est vrai que le tracteur qui se trouve dans son garage «serait de Tony Accurso», partenaire de Normand Trudel dans une compagnie de traitement de sols contaminés.

«Hein?», répond le maire. Visiblement mal à l'aise, il rit, se penche, se redresse sur sa chaise et bafouille: «Non, le tracteur est simple, vous allez voir, bien non, c'est ça, je vous dis, de l'ordre privé et de l'ordre public, mais je dois dire ici publiquement, il est emprunté à la Caisse populaire, par... par prêt personnel, alors donc...

- Vous avez acheté (le tracteur)? demande M. Paquin.

- Bien oui, bien oui, bien oui, répond M. Marcotte. Alors donc, là, voyez-vous, ces rumeurs-là, c'est là qu'on fait du dérapage au Québec, vis-à-vis des élus, par rapport à la responsabilité d'élu et par rapport à la responsabilité qu'on a, d'avoir une vie privée.»

Le 24 janvier, soit le lundi suivant l'entrevue, Aymeric St-Marseille, journaliste bénévole à TVRM, a interpellé le maire à la fin de l'assemblée du conseil municipal, devant témoins. «Je lui ai demandé s'il pouvait nous présenter les factures de l'achat du tracteur, a dit M. St-Marseille à La Presse. Il n'a pas répondu et il est parti.»

Trois jours plus tard, M. Marcotte se rendait dans les locaux de TVRM. Se pourrait-il que le maire ait indiqué que la question sur le tracteur risquait de valoir une mise en demeure à TVRM de la part de M. Accurso, a demandé La Presse? Mme Brousseau, la coordonnatrice de la station, répond que ce genre d'avertissement, venant du maire, «ça pourrait se faire effectivement... de façon subtile».

De son côté, l'avocat de M. Accurso, Me Louis Demers, nous a écrit ceci: «Suivant les informations que nous avons, M. le maire Richard Marcotte n'a jamais prétendu ni même laissé entendre avoir reçu un tracteur de M. Accurso. Pour sa part, M. Accurso confirme n'avoir jamais fait un tel don à M. Marcotte.»

Toujours au cours de l'entrevue avec TVRM, M. Marcotte a été invité de répondre à des questions sur le ou les séjours qu'il aurait faits sur le yacht de Tony Accurso, le Touch, ces dernières années. Il a encore refusé de s'expliquer au motif que ce dossier controversé relevait du «domaine privé».

«J'ai consulté des gens, et c'est carrément personnel», répond-il au journaliste de TVRM après que celui-ci lui a fait remarquer que l'on est «maire 365 jours par année».

Jointe par La Presse, une attachée politique du maire, Nathalie Bougie, a nié toute intervention de M. Marcotte auprès de TVRM. Le retrait de l'entrevue, «c'est une décision de la direction de TVRM», a-t-elle dit, tout en reconnaissant un possible problème «dans le contenu de l'émission».