Le ministre des Affaires municipales et le président de l'Union des municipalités du Québec ne voient rien de répréhensible au fait que des firmes de génie-conseil visées par des enquêtes policières participent financièrement et physiquement au congrès des maires du Québec, comme l'a révélé La Presse hier.

«L'UMQ ne donne pas de contrats», a justifié le ministre Laurent Lessard.

Éric Forest, président de l'UMQ et maire de Rimouski, a même invité ses homologues à se rendre «en nombre» au «rendez-vous gourmand inoubliable» offert hier soir par la firme Dessau, ce qui a déclenché des applaudissements nourris de la part du millier d'élus présents.

Jeudi, Amir Khadir avait demandé à ces élus de boycotter la réception et de refuser les «cadeaux» des entreprises.

Cette controverse, qui a échauffé les esprits toute la journée d'hier, a forcé tant le ministre que l'UMQ à réagir.

Lors d'un point de presse improvisé, le ministre des Affaires municipales n'a pas caché son irritation lorsque les journalistes lui ont demandé s'il ne ressentait pas un «malaise» à l'idée que les firmes Dessau et Roche soient omniprésentes dans ce congrès alors qu'elles sont éclaboussées par des scandales. Dans le cas de Roche, la vice-présidente a même été arrêtée en février par la SQ et est accusée sous 13 chefs de corruption d'élus et de collusion.

«J'ai encadré l'octroi des contrats dans les municipalités avec le régime le plus sévère au Canada pour mettre le processus à l'abri de toute ingérence, a rappelé Laurent Lessard. Il n'y a pas une firme d'ingénieurs qui peut avoir un contrat sans être passée par un appel d'offres public.»

Lorsque La Presse lui a demandé la différence, dans les perceptions, entre un entrepreneur qui invite des élus sur son yacht et une firme de génie-conseil qui invite des élus à une soirée «inoubliable», le ministre a répondu: «Je vous laisse le choix de vos réponses. Il faut aussi combattre certaines affaires dans le domaine des perceptions. Les maires sont tannés de ça. C'est un événement public, c'est à l'UMQ de décider de ses règles et ils vont le défendre. C'est ce à quoi je m'attends d'eux.»

«Du pré-lobbying»

Éric Forest, le président de l'UMQ, a quant à lui assuré que tout se fait «sans cachette». Il a rappelé l'importance de tisser des liens avec les entreprises engagées dans le milieu municipal.

Le maire de Rimouski a aussi soutenu que le commissaire au lobbyisme du Québec avait donné son aval à la condition «que tout soit transparent».

Or, le commissaire, Me François Casgrain, estime que toutes les firmes qui participent à des congrès marchent sur un fil. La frontière est mince, a-t-il expliqué à La Presse, entre une activité de ce type, «lieu d'échanges» nécessaire pour nouer des contacts entre élus et gens d'affaires, et du lobbying.

Lors de sa visite au congrès, le commissaire a remarqué les efforts des firmes Dessau, Roche, Groupe SM et LVM pour séduire le millier de maires et de conseillers municipaux présents.

Il se demande aussi si les «vraies affaires» ne se trament pas au cours de cocktails privés dans de grands hôtels.

«Au congrès, il se fait du démarchage, on discute, c'est ce que je pourrais appeler du pré-lobbying. Mais aucune de ces grandes firmes de génie-conseil du Québec n'est enregistrée chez nous alors qu'elles devraient le faire, déplore Me Casgrain. Nous sommes arrivés à une étape où l'on ne peut plus attendre, il faut des résultats.»

Le commissaire compte sur l'appui des maires du Québec pour faire avancer les choses: «Ce sont ces titulaires de charges publiques qui ont la responsabilité de faire appliquer la loi.» Il cite le cas de Toronto, où «aucun élu n'a le droit de parler avec un lobbyiste non inscrit».