Le patriarche de la mafia italienne à Montréal, Nicolo Rizzuto, dit Nick Rizzuto, a été assassiné en fin de journée, mercredi, dans sa luxueuse maison, à Cartierville. L'homme de 86 ans était dans sa cuisine lorsqu'un tireur, possiblement embusqué à l'extérieur, a fait feu, selon nos sources.

Mercredi soir, les enquêteurs s'activaient à l'arrière de la résidence de la rue Antoine-Berthelet pour récolter des indices. Le jardin de la maison donne sur le boisé de Saraguay, où un tireur aurait facilement pu se cacher. La police a d'ailleurs inclus ce boisé dans le périmètre de sécurité qu'elle a délimité.

Lorsque le patriarche a été atteint par balle, vers 17h40, sa femme, Libertina Manno, 83 ans, elle-même fille d'un grand chef mafieux de la Sicile, et sa fille, Maria Rizzuto, mariée à Paolo Renda, étaient aussi dans la maison. La mort du mafioso, surnommé le Vieux dans le milieu interlope, a été constatée peu de temps après son arrivée à l'hôpital. Les deux femmes ont été traitées pour un choc nerveux.

Nicolo Rizzuto n'était pas la seule grosse pointure du clan sicilien à vivre sur la rue Antoine-Berthelet. Son gendre, Paolo Renda, 70 ans, y vivait aussi avant d'être enlevé le 20 mai dernier non loin de chez lui. Il n'a toujours pas été retrouvé. Son fils, Vito, emprisonné aux États-Unis, y a toujours une maison. Arrêté en 2004 puis extradé aux États-Unis, Vito purge une peine de 10 ans de prison pour une affaire de meurtres remontant à 1981.

La nervosité de la mafia montréalaise est palpable, selon le commandant de la Division du crime organisé du SPVM, Denis Mainville. «Il y a eu entre autres les arrestations de Nicolas DiMarco, de Tony Mucci et de Tony Magi, alors qu'ils étaient en possession de gilets pare-balles et de voitures blindées», a dit le commandant, interrogé sur la scène du crime, mercredi soir.

«On a touché à une entité. C'est un membre important. Le crime organisé est en permutation et plusieurs thèses sont étudiées», a-t-il ajouté.

Cet assassinat porte le coup de grâce au clan sicilien, ébranlé par une série d'événements violents depuis un peu plus d'un an.

En janvier dernier, le petit-fils du patriarche, Nick Rizzuto Jr., fils de Vito, a été tué dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, non loin des locaux de son associé, l'entrepreneur en construction Tony Magi. Trois mois plus tard, en sortant d'une rencontre au bureau de Magi, le chef de gang Ducarme Joseph a été arrêté pour non-respect de ses conditions de libération. Cet ancien chef du gang des 67 venait d'échapper à un attentat dans le Vieux-Montréal.

Les policiers ont trouvé sur lui un intrigant document de trois pages. Le portrait d'un homme dessiné sommairement y figurait de même que l'inscription «le Vieux». On pouvait aussi lire: «Est-ce qu'il a les photos des gars à éliminer?» L'hypothèse que le gang de Ducarme Joseph soit impliqué dans l'assassinat de Nick Rizzuto Jr. circule toujours. Ducarme Joseph vient tout juste de sortir de prison après avoir purgé une peine de 10 mois pour une affaire de voies de fait dans un restaurant chic du boulevard Saint-Laurent.

Un autre des pontes du clan Rizzuto, Agostino Cuntrera, 66 ans, a été abattu l'été dernier d'une balle dans la tête alors qu'il était en compagnie de son garde du corps devant son entreprise de distribution d'aliments, John&Dino. Plus récemment, en septembre, un homme de main du clan Arcadi, Ennio Bruni, 36 ans, a été tué par balle à sa sortie d'un café italien, à Laval.

Le clan sicilien a aussi été fortement ébranlé en août 2009, alors qu'un proche associé du patriarche, Federico Del Peschio, 59 ans, a été abattu par un membre de gang de rue devant son restaurant, La Cantina, boulevard Saint-Laurent. Personne n'a été arrêté pour l'instant.

- Avec Catherine Handfield

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Les enquêteurs s'activaient à l'arrière de la résidence de la rue Antoine-Berthelet pour récolter des indices sur l'assassinat de Nicolo Rizzuto.