Si 2009 avait été marquée par des rafles successives qui ont pratiquement rayé les Hells Angels de la carte au Québec, c'est plutôt la mafia qui a retenu l'attention dans le milieu criminel en 2010.

Le 28 décembre 2009, Nick Rizzuto Jr a été abattu à bout portant en plein jour dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce.

Le meurtre du fils du parrain Vito Rizzuto et du petit-fils du patriarche Nicolo était annonciateur des nombreux crimes qui ont ensuite décimé la célèbre famille sicilienne, à la tête de la mafia montréalaise depuis une trentaine d'années.

Le plus notable est sans contredit le meurtre en novembre de Nicolo Rizzuto, dit le vieux Nick, assassiné par un tireur d'élite alors qu'il était dans sa maison en compagnie de ses proches. Cet affront au code d'honneur mafieux marque en quelque sorte la fin du règne du clan sicilien à Montréal, dont la plupart des joueurs importants sont morts, disparus ou emprisonnés. C'est le cas du parrain Vito Rizzuto, détenu aux États-Unis pour un triple meurtre survenu au début des années 80 à New York.

Plusieurs autres grosses pointures du clan Rizzuto ont aussi été ciblées dans des attentats depuis un an.

D'abord, Paolo Renda, consigliere de la famille, vraisemblablement enlevé en mai près de chez lui. L'homme de 70 ans, gendre et voisin de Nicolo Rizzuto, était au volant de sa voiture la dernière fois qu'il a été vu. Son véhicule a été retrouvé devant la résidence d'un voisin. La clé était toujours dans le contact.

Un autre ponte du clan, Agostini Cuntrera, est quant à lui tombé sous les balles d'un tueur en juin, en plein jour, devant son commerce de distribution alimentaire, à Saint-Léonard. Son garde du corps, Liborio Sciascia, 40 ans, a aussi été tué. Cuntrera était désigné comme l'un des successeurs de Vito Rizzuto.

Cocktails Molotov

Et que dire de ces nombreux attentats au cocktail Molotov dans des cafés italiens qui tiennent depuis 2009 les policiers en haleine? Une vingtaine d'établissements du nord-est de la métropole ont été visés depuis le début de la deuxième vague, amorcée en août. Quelques pizzérias et des clubs échangistes ont aussi été ciblés. La police n'établit toutefois aucun lien entre ces attentats et ceux commis dans les cafés italiens.

Le démantèlement d'un réseau de trafiquants actifs dans une douzaine de cafés italiens du nord-est de la ville a marqué la fin de l'année. Une vingtaine d'individus ont été arrêtés au terme de cette rafle, orchestrée en marge du projet Impact, qui vise à faire progresser l'enquête sur les incendies dans les cafés italiens.

Ces agressions contre les hommes forts du clan Rizzuto et les cafés illustreraient l'instabilité qui règne actuellement dans la mafia montréalaise. Les incendies dans les cafés pourraient être perpétrés par des gangs de rue à la solde d'un clan italien. Le meurtre du trafiquant de drogue Sam Faluso, proche du clan Rizzuto criblé de balles en janvier 2009, jouerait aussi un rôle dans les attaques dans les cafés. Faluso contrôlait plusieurs cafés. Les attaques s'inscrivent peut-être dans une offensive visant à s'emparer du territoire du mafioso assassiné.

Le Service de police de la Ville de Montréal n'écarte aucune piste pour expliquer les attentats dirigés contre le clan Rizzuto. Un conflit entre l'ancienne et la nouvelle garde chez les mafiosi? Purge interne? Riposte du clan calabrais qui veut reprendre le pouvoir perdu il y a plus de 30 ans aux mains des Siciliens? Toutes les hypothèses sont étudiées.

Mais une chose est sûre: les frappes policières d'envergure des dernières années contre la mafia, à commencer par l'opération Colisée en 2006, ont fortement déstabilisé les assises du crime organisé.

Meurtres

Le bain de sang provoqué par la tentative de meurtre dirigée contre le gangster Ducarme Joseph a aussi marqué l'année. Deux hommes sont morts et deux autres ont été blessés au terme de cette fusillade, qui a éclaté en plein jour au magasin de vêtements Flawnego, dans le Vieux-Montréal. Propriétaire des lieux et cible principale de l'attentat, Joseph a déguerpi à temps lorsque deux tueurs cagoulés ont ouvert le feu dans son magasin. «Des meurtres commis en plein jour avec autant de coups de feu (environ 50 projectiles ont été tirés), c'est sûr que la population trouve ça moins comique et a des attentes. Ça nous met de la pression, mais c'est normal», reconnaît Clément Rose, commandant de la division des crimes majeurs du SPVM.

Son escouade n'a pas chômé, puisque deux des auteurs de la fusillade ont été appréhendés après la diffusion d'images filmées sur les lieux du crime. Un troisième suspect, Kyle Gabriel, est activement recherché.

Cinthia Toussaint

Le meurtre de Cinthia Toussaint en mai a aussi retenu l'attention. Le corps de la jeune femme de 23 ans a été retrouvé au fond d'un trou d'homme dans un stationnement du quartier Saint-Michel, quelques jours après sa disparition.

Son ex-conjoint, Mario Romain, a plaidé non coupable en juin à des accusations de meurtre prémédité. Cinthia Toussaint avait prévenu des proches qu'elle devait le rencontrer dans le stationnement près du Taz, complexe de planches à roulettes situé en bordure de l'avenue Papineau, pour discuter de la pension alimentaire à verser pour leur fils de 3 ans. Elle n'a jamais été revue vivante.

Au moment d'écrire ces lignes, la division des crimes majeurs avait enquêté sur 37 homicides. Soixante-dix-huitpour cent d'entre eux ont été élucidés, se réjouit le commandant Clément Rose. Une excellente moyenne, étant donné que son unité a dû prêter des effectifs aux sections des agressions sexuelles et du crime organisé, débordées. «Malgré certaines restrictions, nos enquêteurs et notre personnel civil ont travaillé fort et portent à bout de bras certains dossiers», souligne M. Rose.

Montréal avait été le théâtre de 29 meurtres en 2008 et 31 en 2009.