Serge Fuertes n'est pas linguiste. Mais cela ne l'a pas empêché d'écrire une brique monumentale sur le créole haïtien.

Pendant 15 ans, cet ancien professeur de 68 ans a passé ses soirs et ses week-ends à essayer de comprendre les origines et le fonctionnement de sa langue maternelle. Il a étudié les langues africaines, fait des recoupements théoriques, échafaudé des hypothèses et finalement accouché d'une montagne de 1253 pages, intitulée Le créole afro-haïtien, une langue néo-kwazane.

«Ça va me mettre sur la mappe», lance ce «créoliste» autoproclamé, qui se passionne depuis toujours pour la langue haïtienne. «Sans me vanter, je pense que je suis allé plus loin que tous mes prédécesseurs sérieux.»

Entre autres contributions, M. Fuertes n'est pas peu fier de son chapitre historique, où il remet en question la plupart des hypothèses sur la naissance du créole. Selon lui, par exemple, le dialecte haïtien n'est pas né avec l'arrivée des Français au XVIIe siècle, mais plutôt en 1578, quand l'île appartenait encore totalement aux Espagnols.

«Les premiers esclaves africains sont arrivés en 1703, explique-t-il. J'ai calculé qu'il a fallu environ trois ou quatre générations pour que le brassage se fasse avec les Indiens taïnos. Cela fait à peu près 75 ans. Alors quand les gens disent que le créole est né dans l'urgence, c'est impossible. Il a d'abord fallu que les Noirs s'entendent avec les autochtones.»

Et l'ingrédient français? Ce n'est que plus tard qu'il s'ajoutera à la soupe. D'ailleurs, précise M. Fuertes, ce n'était pas vraiment du français «tel qu'on le parle aujourd'hui», mais plutôt du normand, du poitevin, du picard et de l'angevin, quatre groupes linguistiques qui, soit dit en passant, ont aussi fait leur marque au Québec.

Plus théorique, le reste de l'ouvrage s'attarde plutôt au créole écrit, une science somme toute récente et encore en évolution. Il faut savoir que la langue haïtienne est longtemps restée un phénomène oral. Et qu'en dépit de nombreuses thèses sur la question, on ne s'entend pas encore tout à fait sur la façon de l'orthographier. M. Fuertes ose croire que son livre complètera la réflexion, puisqu'il propose, ni plus ni moins, une «systématisation» du code écrit, anthologie de la littérature créole à l'appui.

Édité à tout juste 50 exemplaires, Le créole afro-haïtien, une langue néo-kwazane ne s'adresse évidemment pas à tous. L'auteur vise les «Haïtiens instruits, les orthophonistes, les coopérants, ainsi que tous ceux qui aiment Haïti et qui veulent connaître l'héritage qu'un vieil Haïtien laisse aux Haïtiens».

Il reste à voir comment les linguistes patentés réagiront à ce travail de moine sorti de nulle part... Un exemplaire se trouve à la Bibliothèque Nationale du Québec.

Marie-Josèphe en août

On pensait que cela se passerait pendant le Mois de l'histoire des Noirs. Mais la Ville a décidé de tenir l'inauguration du parc Marie-Josèphe Angélique le 23 août prochain. Mieux vaut tard que jamais, croit Kanyurhi T. Tchika, qui a longtemps milité pour cette cause. «La Ville met fin à 278 ans d'injustice. Pour moi, c'est clair, c'est une revanche sur l'Histoire. On avait dispersé les cendres de Mme Angélique pour qu'elle disparaisse à jamais et, maintenant, elle revient au centre-ville. Bientôt, elle sera coulée dans le béton pour des siècles et des siècles.» Exécutée en 1734 pour avoir causé le grand incendie de Montréal, Marie-Josèphe Angélique fut la première esclave noire répertoriée dans la province. Son parc sera situé juste à côté de l'édicule de la station de métro Champ-de-Mars, près du Vieux-Montréal où elle a vécu et péri.

Et la gagnante est...

Petit suivi de notre article de Miss Afrique paru la semaine dernière: c'est la Guinéenne d'origine Salematou Sako qui a remporté la palme. Jolie, oui, mais pas seulement: bien que prévisible, son plaidoyer pour l'Afrique (Afrique, relève-toi!) a fait vibrer la salle et les juges. La Montréalaise sera en Afrique dans quelques mois pour travailler à l'émancipation des jeunes Africaines. Quant au concours, il sera vraisemblablement de retour l'an prochain, dans une formule qui gagnerait à être écourtée. Trois heures, c'est long des p'tits bouts.