Le procès du cardiologue Guy Turcotte est particulièrement éprouvant. Certains détails difficiles à supporter sont dévoilés jour après jour par notre journaliste. Nous préférons vous en avertir.   * * *

Guy Turcotte était à la fois fâché et démoli à l'idée que Martin Huot prenne sa place auprès de sa femme et de ses enfants. Mais pour lui, l'ultime trahison s'est produite quand Isabelle Gaston a fait changer les serrures de la maison familiale, le 20 février 2009, quelques heures avant le drame qui allait coûter la vie à Olivier, 5 ans, et Anne-Sophie, 3 ans.

«Je suis fâché. Je considère que je suis encore copropriétaire de cette maison-là. C'est la dernière affaire qu'elle peut m'enlever, elle me l'enlève encore. Je viens de perdre ma femme, je perds ma place de père, j'ai perdu la moitié du temps avec mes enfants», a raconté M. Turcotte, mercredi, alors qu'il témoignait à son procès pour le meurtre de ses deux enfants, poignardés dans leur lit le 20 ou le 21 février.

M. Turcotte reconnaît que, lors de la conversation téléphonique où il a appris le changement de serrures, l'après-midi du 20 février, il a dit à Mme Gaston: «Tu veux la guerre, tu vas l'avoir.» Mais il pensait alors à une guerre judiciaire, a-t-il soutenu. Mme Gaston avait consulté un avocat avant de changer les serrures; il s'est dit qu'il en consulterait un aussi afin d'interdire à Martin Huot, nouveau conjoint d'Isabelle Gaston, de mettre les pieds dans la maison de Prévost.

Mme Gaston a fait changer les serrures parce que, le matin du 20 février, M. Turcotte était entré à l'improviste dans son ancien domicile et avait constaté que M. Huot s'y trouvait. M. Huot, on le sait, était l'entraîneur personnel du couple, dont il était devenu un ami proche. M. Turcotte vivait cela comme une double trahison.

«Qu'est-ce qu'il fait encore là, lui?», s'est écrié M. Turcotte. Selon ce dernier, Mme Gaston lui a dit qu'il n'avait pas le droit d'entrer comme ça et l'a menacé de faire changer le nom des enfants pour Gaston. Il soutient qu'elle l'a aussi averti qu'elle pourrait obtenir leur garde et déménager n'importe où au Québec. «Je suis paniqué, elle me fait des menaces», a-t-il résumé, mercredi.

Semaines décortiquées

Questionné par son avocat Pierre Poupart, M. Turcotte a décortiqué ce qui s'était passé entre le 26 janvier 2009, jour où il a quitté le domicile familial, et le jour fatidique du 20 février. Ce qui ressort de son témoignage, c'est qu'il était très déprimé par cette séparation et par le fait que, à ses yeux, Martin Huot prenait sa place auprès de «sa» femme, de «ses» enfants, dans «sa» maison.

Il affirme qu'il a essayé de composer avec cette nouvelle réalité et qu'il voulait «rebondir». Il a rapidement trouvé une maison à louer, où il a emménagé immédiatement, et il a même fait des démarches pour acheter une maison dans son ancien quartier, afin de faciliter la garde partagée. Mais au fond, la séparation le tourmentait et il n'acceptait pas que quelqu'un d'autre s'occupe de ses enfants.

Quand il a appris que ses enfants étaient allés au Carnaval de Québec avec Mme Gaston et Martin Huot, le week-end du 8 février, ç'a été comme un «coup de masse en plein front», a-t-il illustré. «Je n'accepte pas que Martin profite de mes enfants. C'était comme s'il prenait ma place. J'ai pleuré, j'ai pleuré, j'ai pleuré...»

Mme Gaston et lui se parlaient au téléphone pour régler des détails et communiquaient aussi par courriel. Ces courriels ont été mis en preuve.

M. Turcotte a raconté que le seul endroit où il se sentait bien, c'était à son travail, où il se sentait apprécié. Il s'est décrit comme un médecin très efficace, organisé, capable d'abattre plus de boulot que les autres. À l'époque des événements, il était cependant stressé, découragé, et il dormait mal. Il aimait aussi être avec les enfants, qui lui apportaient du réconfort.

La séance a été interrompue vers 16 h, juste avant qu'on n'aborde les moments fatidiques. Le procès, qui est sur les rails depuis quatre semaines, se poursuit ce matin à Saint-Jérôme. M. Turcotte, grand, mince, vêtu d'une chemise et d'un pantalon noirs, a commencé à témoigner lundi après-midi.