Le procès du cardiologue Guy Turcotte est particulièrement éprouvant. Certains détails difficiles à supporter sont dévoilés jour après jour. Nous préférons vous en avertir.

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(SAINT-JÉRÔME) Même s'il lui arrivait de consulter des sites pornographiques gais, Guy Turcotte ne doutait pas de son orientation sexuelle.

«Isabelle avait peur que je sois gai et que je m'en aille avec un gars. Je lui ai dit: il n'y a pas de danger, j'aime les femmes. Tu ne me verras jamais partir avec un gars», a raconté Guy Turcotte, lundi, alors qu'il était contre-interrogé à son procès, à Saint-Jérôme.

L'ex-cardiologue de 39 ans est accusé d'avoir tué ses deux enfants avec préméditation, le 20 février 2009. Le drame est survenu dans un contexte de séparation d'avec Isabelle Gaston, sa conjointe depuis 10 ans au moment des événements, médecin elle aussi et mère des petites victimes. M. Turcotte admet avoir tué ses enfants, Olivier, 5 ans, et Anne-Sophie, 3 ans, en les poignardant à plusieurs reprises, dans la maison de Piedmont qu'il louait depuis la séparation.

L'enjeu du procès est maintenant de déterminer dans quel état d'esprit il l'a fait, afin de voir si sa responsabilité était diminuée.

Guy Turcotte a témoigné pendant toute la semaine dernière. Il est en contre-interrogatoire depuis vendredi. Debout à la barre des témoins, il est tourné en direction du jury mais garde la tête et les yeux constamment baissés, tant quand il écoute les questions de la procureure de la Couronne, Claudia Carbonneau, que quand il y répond. Il parle d'un ton monocorde, calme, même quand Me Carbonneau tente de le faire réagir plus vivement.

Lundi, Me Carbonneau a questionné M. Turcotte à propos de deux incidents survenus en 2001 et en 2008, quand sa conjointe l'a surpris à consulter des sites pornographiques gais. M. Turcotte a dit que c'était arrivé plus de deux fois, mais il n'a pas semblé y attacher de l'importance. Mme Gaston s'était dit que, s'il était gai, elle ne pourrait lutter contre ça et elle avait en quelque sorte «baissé les bras en 2008», a rappelé Me Carbonneau.

C'est vers le mois d'octobre 2008 que Mme Gaston a commencé sa liaison avec Martin Huot, son entraîneur personnel.

Rupture rapide

La procureure a aussi questionné M. Turcotte au sujet de courriels qu'il a échangés avec Isabelle Gaston dans les jours qui ont précédé le drame. Elle voulait manifestement l'amener à admettre qu'il était très en colère et très frustré, parce qu'il considérait que Martin Huot, le nouvel amoureux de Mme Gaston, prenait sa place. M. Turcotte a fait valoir que ces sentiments étaient mêlés avec du découragement, de la tristesse et de l'angoisse. Il a appris le 15 janvier 2009 que sa femme avait une liaison avec M. Huot, leur entraîneur personnel, qui était devenu un ami proche. C'était la première fois qu'il vivait une telle situation, et il ne savait que faire.

M. Turcotte reconnaît que son couple allait mal depuis des années, mais il avait toujours espéré que cela «se replacerait.» À partir du 15 janvier, il a su que c'était fini mais n'a pas su comment réagir dans l'immédiat. Le 17 janvier, il est parti à Cancún avec Mme Gaston et leurs deux enfants sans mot dire. Le lendemain de leur arrivée à Cancún, Mme Gaston a appris par courriel que sa liaison était éventée et a placé M. Turcotte devant les faits: «Tu le savais et tu n'as rien dit.» Pendant cette semaine de vacances, ils ont discuté de leur séparation, qui allait se concrétiser à leur retour, et ils en ont parlé aux enfants. Ils sont revenus au Québec le 24 janvier. M. Turcotte a vite trouvé une maison à louer, et il a déménagé deux jours plus tard.

«Avez-vous regretté d'être parti si vite? lui a demandé Me Carbonneau.

- Non, a répondu M. Turcotte.

- Vous aviez une belle carrière, un bon salaire, vous étiez en train d'acheter une nouvelle maison, la garde partagée était réglée, vous vous projetiez dans l'avenir, a fait valoir Me Carbonneau, insinuant ainsi que M. Turcotte n'était pas si anéanti qu'il le dit.

- Vous pensez qu'avoir un bon salaire et un bon travail, ça empêche d'avoir de la peine et d'être démoli par ce qui se passe? Ce qui se passe autour, ça prend beaucoup d'espace», a-t-il répondu.

Le contre-interrogatoire se poursuit aujourd'hui.