Le procès du cardiologue Guy Turcotte est particulièrement éprouvant. Certains détails difficiles à supporter sont dévoilés jour après jour. Nous préférons vous en avertir.



(Saint-Jérôme) Mitraillé de questions par la Couronne, mardi, à son procès, l'ex-cardiologue Guy Turcotte a dû retourner en pensée dans les chambres de ses enfants, à Piedmont, pour décrire en détail comment il s'y est pris pour tuer Olivier, 5 ans, et Anne-Sophie, 3 ans, le soir du 20 février 2009.

«Comment était couché Olivier? Après le premier coup, vous avez réalisé que vous lui faisiez mal. Pourquoi vous n'avez pas arrêté? Il a dit «non papa»? Il gémissait? Il a bougé de l'autre côté du lit? Donc, vous étiez toujours dans la chambre quand il crachait du sang? Comment était couchée Anne-Sophie? Quel couteau avez-vous utilisé? Où avez-vous donné le premier coup? Comment réagissez-vous quand vous entendez Anne-Sophie dire non?»

La procureure de la Couronne Claudia Carbonneau a enchaîné les questions d'un ton froid, sans agressivité mais sans mettre de gants. Guy Turcotte, qui était à la barre des témoins pour la septième journée, y a répondu souvent en pleurant, les yeux toujours baissés.

Guy Turcotte était-il à jeun quand il a tué ses enfants, ou avait-il déjà commencé à boire du lave-glace? C'est ce que Me Carbonneau a également tenté de savoir, mardi. L'homme de 39 ans maintient qu'il ne se souvient pas de la séquence précise des événements qui l'ont amené à poignarder à mort ses enfants puis à ingurgiter du lave-glace pour mettre fin à ses jours.

Le rapport du pathologiste a établi qu'Olivier avait reçu 27 coups de couteau et Anne-Sophie, 19. M. Turcotte ne se souvient pas d'avoir donné autant de coups. Il est enclin à penser qu'il avait déjà commencé à absorber du lave-glace quand il a tué ses enfants puisqu'une image est imprimée dans sa mémoire: «Je suis en train de boire du méthanol (lave-glace) quand je me rends compte que mes enfants vont me trouver mort.» C'est pour leur éviter cela qu'il a décidé de les emmener avec lui dans la mort, a-t-il réexpliqué.

«Les enfants étaient peut-être déjà morts?», a insisté Me Carbonneau.

«Les souvenirs que j'ai sont tatoués. Je me voyais allongé, mort. Je vous l'ai dit la semaine passée. J'ai dit: je vais les emmener avec moi. Je me verse du méthanol, je le cale, je m'en verse, je le cale... Je me rappelle de ça», a-t-il maintenu.

Séparation

Selon son récit, M. Turcotte, qui vivait très mal sa séparation récente d'avec sa femme, Isabelle Gaston, était au désespoir, vers 18h30, le vendredi 20 février 2009. Il venait de coucher les enfants à l'étage de la maison de Piedmont qu'il louait depuis sa séparation, survenue environ un mois plus tôt. Il est redescendu au rez-de-chaussée et a ouvert son portable. Il s'est mis à lire des courriels que Mme Gaston et son nouvel amoureux, Martin Huot, avaient échangés dans les dernières semaines. C'est Patricia Giroux, l'ex-conjointe de M. Huot, qui lui avait fait parvenir ces «nouveaux courriels». En lisant ces messages d'amour, M. Turcotte est tombé au fond de l'abîme dépressif. Il n'a eu qu'une idée: mourir, mourir, mourir. Il s'est mis à chercher sur l'internet des façons de se suicider. Il a choisi l'ingestion de produits empoisonnés. Il a fini par trouver du lave-glace, mais il ne se souvient pas où. Il en a avalé. Il ne sait pas à quelle heure il a commencé ni à quelle heure il a fini. Il a tenté de se poignarder au coeur mais n'en pas été capable.

Me Carbonneau, qui doute de la version de M. Turcotte, a fait ressortir que les enfants avaient dû aller au lit bien tôt, ce soir-là, puisqu'il s'est mis à l'ordinateur à partir de 18h20 et que, selon lui, ils étaient déjà couchés. Contrairement à la routine, les enfants n'ont pas pris de bain et n'ont pas mis leur pyjama. Lorsque les policiers les ont découverts le lendemain, Olivier n'avait qu'un pantalon de jogging, et Anne-Sophie était en petite culotte. M. Turcotte se souvient qu'ils se sont glissés ainsi sous les couvertures et qu'il était trop épuisé pour discuter et leur dire de mettre un pyjama.

Le contre-interrogatoire se poursuit aujourd'hui, pour la quatrième journée. Rappelons que M. Turcotte est accusé du meurtre prémédité de ses deux enfants. Son procès devant jury a commencé à la mi-avril. La Couronne a terminé sa preuve; la défense présente la sienne depuis la semaine dernière.