Le procès du cardiologue Guy Turcotte est particulièrement éprouvant. Certains détails difficiles à supporter sont dévoilés jour après jour par notre journaliste. Nous préférons vous en avertir.

***

Non seulement Guy Turcotte n'a pas prémédité le meurtre de ses enfants, mais quand il a commis cet acte qui dépasse l'entendement, le 20 février 2009, c'était un homme malade mentalement. «MA-LA-DE», a insisté l'avocat de la défense Pierre Poupart, en parlant très fort et en détachant chaque syllabe.

Il faut être malade pour tuer ses enfants. C'est ce qui ressort du début de la plaidoirie que Me Poupart a livrée lundi matin au jury chargé de juger son client, Guy Turcotte. L'homme de 39 ans est accusé des meurtres prémédités de ses enfants. Olivier cinq ans, et Anne-Sophie, trois ans, ont été poignardés de multiples reprises à l'abdomen alors qu'ils étaient couchés dans leur lit respectif, à Piedmont. M. Turcotte, lui, a bu du lave-glace pour s'enlever la vie. Le drame est survenu moins d'un mois après la séparation de M. Turcotte, cardiologue, d'avec sa conjointe, Isabelle Gaston, urgentologue. Celle-ci entretenait une liaison depuis quelques mois avec son entraîneur personnel, Martin Huot, qui était aussi devenu ami avec M. Turcotte.

Présomption d'innocence

En amorçant sa plaidoirie, Me Poupart a longuement parlé de la présomption d'innocence, «le seul rempart contre la puissance d'un état contre un individu», a-t-il dit. Il a demandé aux onze membres du jury (le douzième a été expulsé pour cause de partialité) de faire abstraction de la «haine aveugle, irrationnelle, absurde, mais non moins omniprésente à laquelle expression vous n'avez pas pu échapper, à moins d'avoir coupé tous les liens avec l'extérieur», a-t-il lancé. Il a signalé que peu de gens comprennent le métier d'avocat de la défense. «On me dit: comment tu fais pour défendre des bandits, des écoeurants. T'es rien qu'un mercenaire, tu fais ton argent avec le crime des autres... La défense peine à gagner sa vie pour une seule raison: protéger la société contre l'arbitraire, défendre la présomption d'innocence», a expliqué Me Poupart.

L'avocat, qui compte 40 ans de pratique en droit criminel, a ensuite rappelé que la poursuite devait établir chacun des éléments essentiels du meurtre prémédité. Exhibant l'acte d'accusation portée contre son client, il a rappelé que M. Turcotte avait admis les deux premiers éléments soit: avoir causé la mort de ses enfants et ce faisant, avoir commis un acte illégal. Mais il n'admet pas les deux autres éléments de cette infraction qui sont: avoir  formé l'intention requise et l'avoir commis avec préméditation et de propos délibéré. Me Poupart estime que son client n'était pas en état mentalement de juger de ses actes, en raison de sa maladie mentale: un trouble d'adaptation avec anxiété et humeur dépressive. C'est le diagnostic posé par les quatre psychiatres entendus au procès, dont celui de la Couronne, Sylvain Faucher. Toutefois, selon ce dernier, M. Turcotte était quand même en état de juger de ses actes.

La défense vise la non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, communément appelée «article 16», dans le jargon juridique.  Me Poupart a lu la définition de cet article du Code criminel, stipulant qu'une personne atteinte de troubles mentaux qui l'empêchent de juger de la nature et de la qualité de ses actes ne peut être déclarée coupable d'un crime.

En ce qui concerne la non-préméditation, Me Poupart a soulevé deux indices qui, selon lui, tendent à le démontrer: la veille du drame, M. Turcotte a acheté des médicaments pour les enfants. Et le matin même des événements, il s'est entraîné dans un gymnase et s'est acheté un gros bocal de protéines.  C'est incompatible avec une personne qui planifie de tuer ses enfants pour ensuite se suicider.

Par la suite, Me Poupart a commencé à disséquer les témoignages des témoins. Il y en a eu une trentaine environ. Il continuera sa plaidoirie mardi matin. Une fois qu'il aura fini, ce sera au tour de la procureure de la Couronne, Me Claudia Carbonneau, de résumer ses arguments. Les délibérations ne commenceront pas avant le 28 juin.