Les ressources d'aide pour hommes qui traversent une rupture amoureuse échappent à toutes les enveloppes budgétaires gouvernementales. Pourtant, l'arrivée d'un nouveau conjoint ou l'échec amoureux sont perçus comme des éléments déclencheurs récurrents dans une série de récents drames conjugaux.

La détresse psychologique ressentie par l'ancien cardiologue Guy Turcotte, qui a tué ses deux jeunes enfants en février 2009, illustre bien la «cassette noire» qui peut défiler dans la tête des hommes qui peinent à surmonter l'échec de leur couple.

Geneviève Landry, directrice générale de l'Entraide pour hommes Vallée-du-Richelieu-Longueuil, estime que trop peu d'organismes prennent en charge ce type de problématique, avant que les drames ne se jouent.

Pourtant, encore plusieurs parcours jusque-là sans épisode violent se soldent par des homicides d'enfants, parce qu'une spirale négative a germé dans l'esprit de certains hommes au lendemain du départ d'une conjointe.

«Depuis 15 ans, ce que je vois comme élément déclencheur chez les hommes qui soudainement ont une idée de vengeance ou d'homicide, c'est la rupture amoureuse. Plusieurs hommes ont tendance à tout investir dans leur conjointe sans élargir leur cercle social», affirme Mme Landry.

La conjointe se retrouve alors à conjuguer les titres de mère des enfants, d'amante, d'amie et de confidente.

«Ceux qui arrivent ici ont souvent pour discours qu'ils ont tout perdu. Comme si, au fond, ces personnes avaient plusieurs pertes à vivre en même temps», précise Geneviève Landry.

Il y a moins de 30 organismes d'aide pour hommes au Québec; de ce nombre, la majorité concentre ses énergies sur les cas de violence conjugale et familiale, mais seulement une fois les faits établis.

Ces organismes qui oeuvrent pour contrer la violence réussissent à obtenir de l'aide publique. Dans le cas des problèmes de rupture, ni le ministère de la Santé ni celui des Services sociaux ni celui de la Famille n'offre de subventions.

«On a toujours à voir ce qu'on peut faire de plus, ce qu'on peut faire de mieux. C'est une réflexion qui doit se poursuivre au niveau du gouvernement», a mentionné mercredi la ministre de la Famille, Yolande James, en entrevue à La Presse Canadienne. Elle en a profité pour répéter qu'elle avait récemment mis de l'avant une stratégie pour valoriser le rôle du père.

La directrice de l'Entraide pour hommes croit aussi qu'il faut changer les perceptions sociales quand aux ressources d'aide pour les hommes. Selon elle, ils sont encore trop nombreux à croire qu'ils peuvent seuls venir à bout de leurs difficultés, et la population ne connaît pas les services offerts pour ceux qui sont en situation de détresse.

«Il faut défaire l'idée voulant que demander un coup de main n'était pas quelque chose de masculin», estime Geneviève Landry.

Pour elle, il faut encourager les hommes à demander de l'aide, sans gêne. «Certains sont pris dans une «cassette noire» et n'en parlent pas, alors ils l'alimentent et plus ils sont dans cette cassette, plus il leur est difficile d'en sortir. Ils finissent par croire ce qui se passe dans leur tête. Le rôle de l'intervenant est d'amener cette personne à prendre du recul», soutient Mme Landry.

Les données de Statistique Canada révèlent qu'entre 2000 et 2009, il y a eu 326 homicides d'enfants et de personnes de moins de 18 ans commis par un membre de la famille, ce qui représente 21 pour cent des drames familiaux meurtriers.

Au cours des 30 dernières années, le taux d'homicides de la conjointe est demeuré environ de trois à quatre fois plus élevé que chez le conjoint.