Le premier procès de Guy Turcotte a duré près de trois mois. Le second dure depuis cinq jours. C'est celui de l'opinion populaire, alors qu'on révèle au jour le jour des éléments de preuve qui ont été écartés du procès.

Ainsi, aux yeux de bien des gens, en plus d'être un monstre qui a injustement été déclaré non responsable criminellement, Guy Turcotte est un cheap. Il n'a pas payé les funérailles de ses enfants, qu'il a tués de ses mains. Il a vidé le compte commun. Il a donné une valeur au support à skis et a même réclamé des livres de Harry Potter. Un être froid, sans coeur et calculateur.

«Ce sont des choses lancées hors contexte, réplique une personne proche de la famille Turcotte. C'était pour le divorce. Il a donné beaucoup à Isabelle. Il a gardé ses REER. C'est vrai qu'il est devenu obsédé par l'argent, à Pinel, parce qu'il voulait payer les avocats. Au début, il ne voulait pas d'avocat parce qu'il voulait juste mourir. Je suis outrée. Guy Turcotte est lynché.»

Cette personne ne veut pas parler à visage découvert. Certains sont si fâchés du verdict qu'ils en viennent même aux menaces, paraît-il. Pourtant, Isabelle Gaston elle-même a appelé à la non-violence après le verdict, même si cette décision n'était pas celle qu'elle attendait.

Guy Turcotte en a été le premier surpris du verdict, apparemment. Il pleurait tellement qu'il n'a pu parler aux avocats lorsqu'ils sont allés le voir, selon la personne avec qui La Presse s'est entretenue. «Il n'avait pas fait de projet pour la suite. Il trouve ça tellement affreux, ce qu'il a fait. Sa mère lui a dit qu'il devra un jour en arriver à se pardonner. Il a répondu: "Jamais je ne me pardonnerai." Il en a voulu à sa mère d'être allée à Piedmont, de l'avoir empêché de mourir. Il a encore besoin de soins, il prend des médicaments.»

L'été dernier, avant le procès, Isabelle Gaston a accordé une entrevue à Josélito Michaud. Dans l'entourage de Guy Turcotte, certaines personnes s'en inquiétaient. «Guy a dit que c'était correct, que ça aidait Isabelle à faire son deuil.» L'émission sera diffusée dimanche.

Les parents de Guy Turcotte, Marguerite Fournier et Réal Turcotte, ont assisté à tout le procès. Mais ils sont incapables d'écouter les nouvelles ou de lire les journaux. «Ils ne veulent même pas qu'on leur en parle.»

Pendant ses délibérations, le jury a demandé à réentendre le témoignage de Guy Turcotte, mais aussi celui de son psychiatre traitant, le Dr Jacques Talbot, qui travaille depuis 43 ans à l'Institut Philippe-Pinel. C'est la Couronne qui l'avait appelé, mais son témoignage aura finalement sans doute servi la défense. D'ailleurs, les avocats de Guy Turcotte ne l'ont pas contre interrogé.

Détachement

Une dizaine de jours après avoir tué ses enfants, Guy Turcotte faisait des listes de choses à faire et d'objets à récupérer dans sa maison. Il parlait de choses aussi précises qu'un chaudron manquant ou un sac de pommes de terre dans une armoire. La réaction qui vient à l'auditeur est de s'épouvanter devant un tel détachement en de pareilles circonstances. Mais le Dr Talbot a expliqué cela par les traits de personnalité obsessive de Guy Turcotte, un individu «hyper contrôlé». C'était aussi sa façon d'éviter de penser à ce qu'il avait fait, «une fuite en avant plutôt que de s'arrêter à l'intolérable». Le psychiatre a aussi décrit un homme suicidaire et souffrant plutôt qu'arrogant. Des explications et des nuances dont le jury a peut-être tenu compte.

Guy Turcotte a été jugé par 11 personnes qui ont entendu toute la preuve et qui ont été dirigées en droit par le juge Marc David, de la Cour supérieure. Se sont-ils tous trompés? Ce sera à la Cour d'appel d'en juger si le ministère public décide de porter la cause devant elle. Mais une chose demeure: les jurés ne sont pas les seuls à avoir ajusté leur idée en cours de procès. Même si les opinions étaient partagées, le même phénomène s'est produit parmi des personnes du public. «La non-responsabilité, j'y crois. Ce n'est pas le Guy Turcotte qu'on a connu. Il était fier», a confié, pendant le délibéré, une technicienne en cardiologie à la retraite qui a travaillé avec M. Turcotte à l'Hôtel-Dieu.