C'était en 1979. Robert Bourassa, battu aux élections de 1976 par le Parti québécois de René Lévesque, était allé visiter son bébé, le complexe hydroélectrique LG2, dans le Nord du Québec. Un chantier qu'il avait lancé en 1973 et qui était sur le point d'être inauguré officiellement.

La visite avait été organisée par La Presse, se souvient le photographe Jean Goupil, qui était alors accompagné du journaliste Jean-Paul Soulié. L'idée était de visiter la Baie-James avec celui qui avait décidé d'y faire ériger des barrages électriques, l'ancien premier ministre libéral.

Si vous avez déjà visité ce complexe hydroélectrique, vous le savez l'ouvrage est monumental. Mais c'est un barrage principalement souterrain. Ça n'enlève rien au génie du complexe de 7 700 MW, mais côté photo, ce n'est pas évident d'y croquer une image intéressante...

Jean Goupil, qui était allé sur le chantier de LG2 quelques années auparavant, avait été impressionné par ce qu'on appelle «L'escalier des géants», le gigantesque évacuateur de crues du barrage. Chaque marche est haute de 10 mètres et longue de 122.

«J'ai proposé qu'on aille photographier M. Bourassa avec, derrière lui, l'évacuateur de crues. Je trouvais que ça ferait une photo plus éloquente qu'à l'intérieur du barrage, qui offrait un décor sombre, peu intéressant.»

M. Bourassa a accepté. Le cliché est en quelque sorte passé à l'histoire, il en est venu à symboliser l'héritage de Robert Bourassa, version 1.0 (il reviendra au pouvoir en 1985).

«Robert avait promis 100 000 jobs, dans son premier mandat, se souvient l'ancien ministre du Travail, puis des Ressources naturelles de M. Bourassa, Jean Cournoyer. Il avait besoin d'un projet pour ce faire, et ce fut la Baie-James. C'est une région, au début des années 70, que personne ne connaissait. La route n'allait pas plus loin qu'Amos!»

Le développement de la Baie James fut un moteur économique important pour le Québec des années 70, rappelle M. Cournoyer. «Il y avait les emplois des travailleurs, là-bas, bien sûr, mais aussi beaucoup d'emplois liés à la fabrication de pièces pour le barrage.»

D'ailleurs, Jean Goupil se souvient que sur le chantier, les ouvriers avaient réservé un accueil extrêmement chaleureux à l'ancien premier ministre. «Ils savaient que M. Bourassa les avait fait travailler, depuis plusieurs années.»

Le développement de la Baie James était une des réalisations de Robert Bourassa qui le rendait le plus fier. «C'était sa gloire», note M. Cournoyer, qui se souvient que quand il était ministre des Ressources naturelles, il n'avait que peu d'impact réel auprès de la société d'État. «Hydro-Québec parlait directement au boss, pas à un sous-boss!», rigole Jean Cournoyer, qui appelle encore son ancien patron «Robert».

Cette photo est dans le top 3 des 45 ans de carrière de Jean Goupil à La Presse, avec celles de deux incendies tragiques celui du club de nuit Blue Nose et celui de Chapais, dans le Nord-du-Québec. Jean Goupil, en tant que chef de la division photo du journal de 1995 à 2005, a embauché la majorité des photographes dont les images font, en 2011, le régal de nos lecteurs dans La Presse et sur Cyberpresse.

En 1996, l'ancien premier ministre libéral est décédé après un long combat contre le cancer. Peu après sa mort, son bébé, le complexe LG2, a hérité d'un nouveau nom aménagement Robert-Bourassa.

Pour en savoir plus sur cette époque de grands travaux, rendez-vous sur le site memoireduquebec.com, animé par Jean Cournoyer.