Si l'endettement par carte de crédit est souvent mal vu, l'achat d'une maison fait sérieux. Cependant, devenir propriétaire quand on n'a pas un sou pour la mise de fonds n'est peut-être pas une bonne idée.

Certes, la Société canadienne d'hypothèques et de logement exige officiellement une mise de fonds minimale de 5% pour assurer une hypothèque. Toutefois, peu lui importe que ce comptant provienne d'un prêt, d'une marge de crédit ou d'une remise en argent. Le pouvoir discrétionnaire des banques est entier, et elles ne s'en privent pas.

En mars, notre collègue Maxime Bergeron de La Presse Affaires a fait le test: il s'est fait passer pour un client intéressé à acheter une maison. Il a dit qu'il avait un bon revenu, mais qu'il n'avait ni épargne ni placements. La Caisse Desjardins, la CIBC, la Banque Nationale, la Banque Laurentienne et la Banque Scotia se sont toutes montrées disposées à lui consentir un prêt sans un sou de mise de fonds.

Nous avons refait le test récemment: nous avons prétendu gagner 50 000$ par année mais être incapable de faire une mise de fonds. Cette fois, la Caisse Desjardins et la Banque Nationale ont refusé l'hypothèque.

La Banque Scotia, elle, nous a proposé son programme «Mise de fonds cadeau». «La Banque va vous avancer les 5%», nous a dit le responsable des prêts hypothécaires. Le taux d'intérêt serait cependant revu à la hausse. La direction de la Banque Scotia ne nous a pas rappelé là-dessus.

L'employé de la Banque Laurentienne nous a offert une remise en argent équivalente au paiement minimal de 5%, une pratique courante, confirme la porte-parole Manon Stebenne.

À la CIBC, on nous a dit que la mise de fonds de 5% n'était pas un problème, mais qu'on ne pouvait nous l'avancer que 10 jours après que l'hypothèque aurait été contractée. Il suffit donc de demander à un ami d'avancer l'argent pour 10 jours? Exact, nous a-t-on répondu.

Kevin Dove, directeur des communications à la CIBC, dit qu'il y a sûrement eu erreur.

Nous lui avons signalé que, en mars, la même réponse nous avait été donnée. «C'était possible alors, mais depuis, nous ne prêtons plus en-dessous d'une mise de fonds de 5%, dit-il. Notre employé semble vous avoir mal renseignée, et c'est malheureux.»

À l'Association des banquiers canadiens, Christelle Chesneau, coordonnatrice, répond par écrit que la mise de fonds minimale, qui est généralement de 5%, «peut varier selon les circonstances», en toute légalité. «Vous pourriez être admissible à d'autres prêts pour vous aider à verser la mise de fonds; cependant, il est toujours préférable de mettre de l'argent de côté en prévision de la mise de fonds à verser, afin de réduire vos dettes au minimum.»

«Normalement, la mise de fonds nécessaire ne provient pas d'un prêt, dit pour sa part Suzanne Prebinski, porte-parole du ministre fédéral des Finances. Cet autre prêt, n'est cependant pas garanti par le gouvernement. La totalité des risques associés à cette dette supplémentaire est donc assumée par le prêteur.»

Des règles

En principe, on ne devrait pas consacrer plus de 32% de son revenu mensuel brut au versement hypothécaire, au chauffage et à l'impôt foncier. Autre façon de calculer: les coûts relatifs à la maison, additionnés au remboursement de la totalité des dettes, ne devraient pas dépasser 40% du revenu.

Dans un article intitulé «The Missing Pieces in Bank's Real Estate Mathematics», publié dans le Globe and Mail, Moshe Milevsky, professeur à l'Université York, explique que ces chiffres de 32% et 40% sont problématiques parce qu'ils «ne tiennent pas compte de quantité d'autres dépenses». A-t-on pris en considération les frais de notaire? Les droits de mutation?

Comme le souligne dans cet article Laurie Campbell, directrice générale de l'agence-conseil Credit Canada, trop de gens ont aussi tendance à oublier qu'il faudra continuer de payer l'épicerie, la garderie et tutti quanti. «Les gens emménagent et, trois ans plus tard, le toit coule, et c'est déjà 3000 ou 4000$ à payer», fait-elle remarquer.

En une critique à peine voilée des banquiers, l'Association des comptables généraux accrédités du Canada a écrit en mai: «La tolérance au risque des établissements financiers ne doit pas être considérée comme un substitut au jugement des particuliers. (...) Les consommateurs ne devraient pas confier la responsabilité des décisions concernant leur argent uniquement aux banques et aux établissements financiers, ni à leurs intermédiaires, lorsqu'il s'agit de déterminer les niveaux d'endettement raisonnables (...) Les particuliers doivent faire preuve de discipline et de jugement en matière de finances lorsqu'ils utilisent le crédit renouvelable. Ils ne doivent surtout pas chercher, sans discernement, à maximiser les différentes options financières associées à ce type de crédit.»

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Ensemble des dettes des consommateurs québécois

1981 > 8,9 milliards

2008 > 75 milliards, soit 8 fois plus

7 fois L'endettement augmente sept fois plus rapidement que les revenus

41 740$ Si on répartissait également la dette totale de tous les ménages canadiens, chaque personne devrait 41 740$ (ce qui est 2,5 fois plus qu'en 1989).

112% Selon le Mouvement Desjardins, dans l'immobilier le prix des propriétés a augmenté de 112% en 10 ans, tandis que la croissance des revenus n'a été que de 33%.

Sources: Coalition des associations de consommateurs du Québec, Association des comptables généraux accrédités du Canada