Cela faisait cinq ans qu’on attendait une vraie stratégie routière. Finalement, on peut dire bravo à Geneviève Guilbault. Les 27 mesures du Plan d’action en sécurité routière qu’elle a présenté mardi sont des initiatives louables qui devraient permettre de sauver des vies et de réduire le nombre de blessés sur nos routes.

Il est seulement dommage que la ministre des Transports, qui s’est inspirée de la politique de la Suède, n’ait pas profité de l’occasion pour réduire à 0,05 % la limite du taux d’alcoolémie au Québec, comme nous l’avons déjà plaidé⁠1. Toutes les autres provinces y sont déjà, ainsi que la quasi-totalité des pays européens, dont certains sont encore plus sévères… comme la Suède, avec sa limite de 0,02 %.

C’est l’angle mort de son plan qui, autrement, tient la route et envoie un signal fort que nous devons améliorer notre bilan routier de toute urgence.

Après des décennies de progrès, le Québec est revenu 10 ans en arrière. En 2022, 392 personnes sont mortes sur nos routes, une hausse de 13,2 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes.

Que se passe-t-il donc ?

Avez-vous l’impression que les routes sont remplies de conducteurs imprudents depuis la pandémie ? D’automobilistes qui font du slalom géant sur l’autoroute ? Qui collent le parechoc du véhicule devant eux pour qu’il leur cède la place ? Qui accélèrent systématiquement lorsqu’un feu de circulation devient jaune ? Qui textent au volant ? Qui font un doigt d’honneur en dépassant les cyclistes au lieu de laisser l’espace réglementaire ?

En tout cas, la majorité des Canadiens (56 %) estime que les comportements dangereux se sont multipliés sur les routes, selon des études de perception de l’Association canadienne des automobilistes (CAA)⁠2,3.

C’est surprenant, car les accidents ont plutôt tendance à diminuer quand l’économie ralentit, selon l’OCDE. Avec la hausse du taux de chômage, les gens roulent moins, boivent moins… et font moins d’accidents. On l’avait d’ailleurs mesuré lors de la crise financière de 2008⁠4.

Mais il semble que la COVID-19 ait eu l’effet inverse, selon une équipe de chercheurs ontariens⁠5. Les facteurs potentiellement en cause ? L’augmentation du stress et de l’anxiété provoquée par la pandémie, l’augmentation du temps libre, la hausse de la consommation d’alcool et de drogues, et les possibilités accrues d’excès de vitesse et de conduite dangereuse sur des routes vidées par le télétravail.

Et on dirait que les conducteurs ont gardé ces mauvaises habitudes depuis que la circulation est revenue à la normale.

Wô, les moteurs ! Respirons par le nez et prenons la vie du bon côté.

La plupart des accidents sont causés par les comportements imprudents (ex. : suivre de trop près, ne pas faire son arrêt, être impatient ou agressif), la vitesse excessive, la distraction et l’alcool au volant.

En adoptant une meilleure conduite, on pourrait donc réduire considérablement le nombre de morts et de blessés.

À quoi bon rouler en fou pour arriver quelques minutes plus tôt quand on sait que la vitesse multiplie les risques ?

À 30 km/h, les probabilités de décès sont de 10 % si on percute un piéton.

À 50 km/h, elles grimpent à 75 %.

Et à partir de 70 km/h, elles atteignent presque 100 %.

Alors, prenons notre gaz égal. Et laissons notre cellulaire dans notre sac à main.

À quoi bon répondre à son cellulaire au volant, quand on peut programmer son GPS ou sa liste de lecture avant de partir ? Sinon, il n’y a qu’à s’arrêter sur le bord de la route pour lire le texto. Ou simplement attendre d’être arrivé à destination.

Il faut un changement de culture. C’est possible. On l’a fait dans le passé.

On est loin de l’époque où les conducteurs roulaient avec une bière entre les jambes et où les tout-petits jouaient dans le coffre de la « station wagon » sans jamais boucler leur ceinture de sécurité.

Heureusement, les mœurs ont changé. Et le nombre de personnes accidentées a baissé de moitié depuis 40 ans, alors que le nombre de véhicules a plus que doublé.

Il est temps d’aller plus loin. Ça suffit, les enfants qui meurent en marchant pour aller à l’école et les aînés fauchés au coin des rues !

Tant mieux si Québec déploie un plan de sécurité routière, avec davantage de contraventions et de radars. Mais comme automobilistes, nous avons aussi notre bout de chemin à faire.

1. Lisez notre éditorial « Dans le champ avec notre 0,08 » 2. Consultez le résumé d’une étude de CAA-Québec 3. Consultez le résumé d’une étude de CAA-Québec 4. Consultez un rapport de l’OCDE (en anglais) 5. Consultez l’étude de chercheurs ontariens (en anglais)