Il faut lui donner ça, Valérie Plante était à la bonne adresse sur bien des enjeux.

Bien avant que Québec prenne la juste mesure de la crise de l’habitation, la mairesse de Montréal avait mis le doigt sur le problème criant de l’accès à l’immobilier, du logement abordable et de l’itinérance.

Et bien avant que les bouleversements climatiques nous frappent l’été dernier avec des incendies monstres, des inondations et des glissements de terrain, la mairesse autoproclamée de la mobilité misait sur des solutions de transport moins polluantes.

À la bonne adresse, donc. Mais pas avec les bonnes clés pour que ça débloque.

« Montréal change, change pour le mieux », juge la mairesse de Montréal, que La Presse a reçue pour une rencontre éditoriale. À mi-chemin de son second mandat, « les choses pourraient aller plus vite, plus fort », convient toutefois Valérie Plante. « Mais je travaille sur les bonnes affaires. »

Mais pour les citoyens, Montréal est devenu la ville aux mille chantiers. Avec les rues encombrées de cônes orange, les automobilistes excédés par les détours ont parfois l’impression d’être coincés dans un labyrinthe.

« Sur le terrain, on nous dit qu’il y a une amélioration, assure Mme Plante. Ça ne veut pas dire qu’il y a moins de chantiers. Mais il y a moins d’irritants. »

Depuis la fin de juin, les cônes ne doivent pas se trouver dans les rues plus de 24 heures avant ou après l’exécution des travaux. Les entrepreneurs doivent aussi démobiliser les chantiers inactifs pendant plus de cinq jours. Le nombre de chantiers non conformes a chuté de 20 % depuis le début de 2023, selon l’escouade mobilité qui les a à l’œil.

Pendant que les automobilistes pestent à cause des chantiers dans les rues, les chantiers de construction résidentielle sortent de terre à la vitesse de la tortue.

Le Règlement pour une métropole mixte (20-20-20) adopté par l’administration de Valérie Plante pour favoriser la construction de logements pour les plus démunis est un échec total. Il a mené à l’approbation d’un seul projet de logement social de 86 logements en deux ans.

Les promoteurs ont préféré payer une pénalité à la Ville plutôt que d’intégrer du logement social dans leurs projets, comme le règlement le prévoyait. Pour les convaincre, la Ville va d’ailleurs relever la pénalité.

Or, cela fera grimper les coûts des projets et, par conséquent, les prix de vente exigés aux clients. Au moment où le marché est si peu abordable, on demande donc aux acheteurs de maisons neuves de subventionner le logement social. Ce n’est pas comme ça qu’on stimulera la construction.

Certains promoteurs pourraient tout simplement plier bagage et aller construire dans des villes qui n’imposent pas ces règles. Cela accentuera la baisse des mises en chantier qui sont en chute libre à Montréal. Tout ça alors qu’il faudrait doubler la cadence pour venir à bout de la pénurie.

À la décharge de Valérie Plante, il faut convenir que la Ville n’a pas les leviers pour régler les problèmes de logement social. C’est plutôt à Québec de fournir le financement.

Je n’ai pas réussi en logement social. La raison est très simple : moi, j’ai tenu pour acquis que la CAQ [investirait] comme tous les gouvernements au cours des 40 dernières années.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Mais l’argent a fait défaut. Quoique Québec vient de s’engager à égaler une enveloppe de 900 millions consentie par Ottawa. Croisons les doigts pour qu’on voie la couleur de cet argent rapidement.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Valérie Plante dans les bureaux de La Presse

Mais revenons à la mairesse. La responsabilité qui lui revient, c’est de faire sortir des chantiers de terre pour augmenter le nombre de logements afin que chacun ait un toit à prix raisonnable.

Pour y arriver, la Ville de Québec vient de lancer un plan ambitieux qui mise notamment sur une augmentation raisonnée de la densité urbaine. Rimouski vient de mettre en place un crédit de taxe foncière pour les projets de logements abordables et sociaux.

Si on veut stimuler la construction, il faut réduire les barrières financières et administratives. Réduire la paperasse.

Et à Montréal, tous les promoteurs s’accordent pour dire qu’il est extrêmement difficile de faire cheminer les projets, à cause de la réglementation. Tout est d’une complexité sans borne ! Tout est différent d’un arrondissement à l’autre !

Les délais pour obtenir un permis ont augmenté de 34 % depuis cinq ans. Certains entrepreneurs patientent pendant six ans avant de pouvoir se lancer. De quoi décourager les plus motivés.

Pourtant, la Ville a mis en place des cellules facilitatrices dans quatre arrondissements pour accélérer le processus. Sur le terrain, on sent une volonté… comme le début de l’ombre d’un changement de culture.

« Il va falloir pousser plus loin. Ça, c’est sûr », lance Valérie Plante. « Je veux qu’on redresse la barre dans les processus des arrondissements pour être plus efficace… plus uniformisé. »

On est heureux de l’entendre.

Les citoyens qui paient des taxes élevées s’attendent à des services efficaces. Pas à un parcours du combattant quand ils traitent avec la Ville.