La cigale caquiste, ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand le ralentissement économique fut venu.

Comme dans la fable de La Fontaine, le gouvernement Legault va devoir se serrer la ceinture au cours des prochaines années, lui qui avait dépensé allègrement depuis son arrivée au pouvoir.

Dans la mise à jour économique présentée mardi, le ministre des Finances, Eric Girard, a dû couper en deux sa prévision de croissance économique pour l’année prochaine, de 1,4 % à 0,7 %. On flirte avec la récession.

Les chèques ? Les baisses d’impôt ? Oubliez ça !

Les bonbons électoralistes de la Coalition avenir Québec (CAQ) sont terminés. Et c’est très bien ainsi.

Déjà, les ménages vont être surcompensés en 2024, puisque l’indexation automatique du système fiscal est fondée sur l’inflation de l’année précédente.

Dès janvier, toutes les allocations, crédits et mesures fiscales vont donc augmenter de 5,08 %, ce qui est presque deux fois plus élevé que le taux d’inflation prévu l’an prochain (2,7 %). Mine de rien, cela apportera plus de 1000 $ à une famille de deux enfants, avec deux salaires totalisant 80 000 $.

Alors il n’était pas nécessaire d’en faire plus. Et de toute façon, Québec n’en a pas les moyens, car sa marge de manœuvre a fondu.

En grugeant dans sa réserve, Québec promet encore un retour à l’équilibre budgétaire en 2027. Mais on n’arrivera pas à ce résultat sans douleur, puisque le scénario de la CAQ repose sur une augmentation annuelle des dépenses de 2,3 % en moyenne d’ici cinq ans, incluant une hausse d’à peine 1,6 % l’an prochain.

Or, la population a crié à l’austérité chaque fois que la hausse des dépenses au Québec a été contenue à ces niveaux, soit au début des années 1990 alors que la récession frappait fort, puis lorsque le Parti libéral a fait le ménage des finances publiques au milieu des années 2010.

La nouvelle période de vaches maigres qui s’annonce contrastera énormément avec les cinq premières années au pouvoir de la CAQ, qui ont été marquées par une forte croissance des dépenses (+ 7,3 % par an).

Bien sûr, il y a eu la pandémie, durant laquelle la CAQ a envoyé beaucoup plus d’argent aux contribuables que les autres provinces. Puis, la CAQ a continué à dépenser, si bien qu’on se retrouve avec un niveau de dépenses qui n’a jamais été aussi élevé en 30 ans, par rapport aux autres provinces.

Pourtant, le gouvernement ne pouvait pas ignorer que l’inflation qui stimulait ses revenus et remplissait ses coffres alors que l’économie surchauffait lui reviendrait au visage, comme un boomerang.

C’est ce qui se passe aujourd’hui avec la hausse des taux d’intérêt qui fait grimper le coût de sa dette et avec les fonctionnaires qui réclament des augmentations de salaire pour absorber la hausse du coût de la vie.

Si Québec doit sortir davantage d’argent dans le cadre des négociations, ce qui est fort probable, il sera d’autant plus difficile de contenir la croissance des dépenses à 2,3 %.

Les efforts de rigueur budgétaire risquent de passer croche dans la population, car les services ne sont pas à la hauteur dans bien des domaines et l’état de nos infrastructures ne cesse d’empirer.

Le gouvernement qui donnait l’impression de nager dans l’abondance lors des élections a donc un sérieux exercice de communication à faire pour que les citoyens comprennent ses choix.

Car nécessairement, il faudra prioriser. C’est ce que la CAQ a su faire dans sa mise à jour en ciblant les enjeux criants, comme l’adaptation aux changements climatiques, la lutte contre l’itinérance ou le soutien à l’aide alimentaire.

Mais c’est l’habitation qui obtient la part du lion, soit 1,8 milliard en cinq ans, pour construire 8000 logements abordables et sociaux. Ce coup de main sera bienvenu pour aider les moins nantis à se loger.

Mais ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan. Imaginez : la SCHL estime qu’il faudrait construire 1,2 million de logements au Québec d’ici la fin de la décennie pour régler la pénurie de logements qui touche aussi la classe moyenne.

Dans sa mise à jour, Québec évoque des initiatives pour accélérer la construction de logements, notamment en revoyant les règles de zonage et en permettant la construction de logements accessoires. Il faut que ça se concrétise au plus vite. Il faut un plan complet comme en Ontario et en Colombie-Britannique pour s’attaquer à la crise du logement que la CAQ a trop longtemps tardé à prendre au sérieux.

Pour l’instant, rien ne fait bouger l’aiguille : la CAQ prévoit que les mises en chantier vont stagner sous les 45 000 unités par année, d’ici cinq ans, alors qu’il faudrait au moins tripler la cadence.

Sauf qu’on ne manque pas seulement d’argent. On manque aussi de bras dans la construction. Là aussi, Québec devra prioriser. Des logements ? Des barrages hydroélectriques ? Des écoles, des hôpitaux et des routes en bon état ? Des REM et des tramways ? On ne pourra pas tout faire en même temps.

La cigale caquiste est à l’heure des choix.

La position de La Presse

Le gouvernement qui donnait l’impression de nager dans l’abondance lors des élections a un sérieux exercice de communication à faire pour que les citoyens comprennent ses choix.