Un souper d’huîtres à 347 $ à Paris pour célébrer un anniversaire. Des écouteurs à 900 $ et trois écrans de télévision à 20 000 $. Des voyages à l’objectif flou au Mozambique, en Australie, aux Pays-Bas, au Brésil, au Maroc, en Suisse, en Tunisie…

Dans ce scandale qui secoue l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), le plus choquant n’est pas que Dominique Ollivier et ceux qui lui ont succédé aient dilapidé l’argent des contribuables. C’est plutôt que leurs fastueuses dépenses aient été autorisées depuis près de 10 ans sans que personne lève le petit doigt.

N’y a-t-il pas des directives pour limiter les frais de représentation des employés des organismes paramunicipaux ?

N’y a-t-il pas quelqu’un quelque part qui vérifie ces dépenses et s’assure qu’elles sont raisonnables et bien fondées ?

Manifestement, les mailles du filet de surveillance sont trop larges, ce qui mine la confiance du grand public envers l’ensemble du secteur municipal, et pas seulement de l’OCPM.

La démission de Mme Ollivier ne règle donc rien. Bien sûr, elle n’avait pas le choix, elle devait quitter son poste de numéro deux de la Ville de Montréal. Ses excès du temps qu’elle était présidente de l’OCPM lui enlevaient toute crédibilité comme gestionnaire rigoureuse, alors que la Ville déposera ce mercredi un budget qui fera grimper les taxes résidentielles de 4,9 %, un sommet depuis 10 ans.

D’ailleurs, il est inconcevable que la nouvelle présidente de l’OCPM, Isabelle Beaulieu, et le secrétaire général, Guy Grenier, restent en poste, eux qui ont allègrement pigé dans le plat de bonbons. Le fait qu’ils s’accrochent sans aucune gêne à leurs fonctions est un affront à la mairesse Valérie Plante, qui a demandé leur démission en des termes on ne peut plus clairs.

Mais de toute façon, ces démissions ne seront pas suffisantes pour rétablir la confiance des citoyens, qui sont en droit de se demander si l’OCPM n’est que la pointe de l’iceberg.

Somme toute, l’OCPM est un petit organisme doté d’un petit budget. Mais il y a bien d’autres entités paramunicipales qui brassent de gros sous tout en jouissant d’une grande indépendance.

Qui nous dit que leurs dépenses sont raisonnables ?

À la Ville de Montréal, les cadres ont droit à des dépenses de fonction variant entre 2500 $ et 7000 $ par année, selon le poste. Leurs directives ne les empêchent pas d’aller au restaurant uniquement avec des collègues – comme ça se faisait régulièrement à l’OCPM –, pourvu que les frais soient engagés « pour la promotion des intérêts de la Ville ».

Mais en novembre, la Ville a éliminé toutes les dépenses comme les voyages et autres activités non liées aux services essentiels, ce qui est bien un minimum dans le contexte économique difficile qui est le nôtre.

Il n’y a pas de raison que les règles de la Ville ne soient pas aussi imposées aux organismes paramunicipaux.

Actuellement, ils ont leur propre structure de gouvernance, ce qui peut mener à des dérives si la culture organisationnelle est trop laxiste, comme on l’a vu à l’OCPM.

En outre, Québec a assoupli les règles de surveillance de ces organismes, avec le projet de loi 155 adopté en 2018. Dans les villes de 100 000 habitants, la vérification peut désormais être déléguée à une firme externe, sauf si le vérificateur général (VG) juge opportun de le faire lui-même.

À Montréal, le VG continue d’auditer la Société de transport de Montréal, la Société du parc Jean-Drapeau, la Société d’habitation et de développement de Montréal et l’Agence de mobilité durable.

Mais il ne met plus le nez dans les livres de l’OCPM. Idem pour l’Office municipal d’habitation de Montréal, le Conseil des arts de Montréal, BIXI Montréal, le Bureau du taxi et le Conseil interculturel de Montréal, pour ne nommer que ceux-là.

Évidemment, aucun auditeur ne vérifie chaque facture une par une, quand il s’agit de petits montants. On procède plutôt par échantillonnage. Mais l’accumulation de dépenses à l’OCPM aurait dû sonner l’alarme.

Ce n’est pas normal qu’il ait fallu une enquête du Journal de Montréal pour révéler ces abus au grand jour.

Et encore, on se demande pourquoi les documents réclamés ont été caviardés avant d’être remis aux journalistes. Pour la transparence, il faudra repasser.

Le conseil d’agglomération a mis en place un secrétariat qui permet d’obtenir de l’information sur les organismes paramunicipaux se trouvant sous sa férule. Un tel secrétariat serait fort utile pour obtenir des renseignements sur une foule d’autres organismes comme l’OCPM qui rechignent lorsqu’on leur présente une demande directement.

Ces dépenses de l’OCPM jettent un sérieux doute sur le contrôle des dépenses de l’ensemble des organismes paramunicipaux à Montréal et ailleurs. Il faudra un grand ménage pour que les citoyens digèrent ce souper d’huîtres.

La position de La Presse

Il faudra bien plus que la démission des dirigeants de l’Office de consultation publique de Montréal pour dissiper les sérieux doutes de la population sur le contrôle des dépenses dans l’ensemble du secteur municipal.