Bravo ! Il faut saluer le travail de la ministre du Sport du Québec. Le projet de loi déposé par Isabelle Charest est une très belle initiative pour sortir les pommes pourries du milieu du sport.

Pendant trop longtemps, la culture toxique qui empoisonne le milieu sportif cachait les pommes pourries au fond du panier. Les organismes dissimulaient les abus sexuels, physiques ou psychologiques. Ils protégeaient les agresseurs, qu’ils soient entraîneurs ou athlètes.

Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder comment Hockey Canada a acheté le silence d’une victime présumée de viol collectif après un gala sportif à London en 2018. Cela a permis aux joueurs de poursuivre leur carrière dans la Ligue nationale, récoltant la gloire et les applaudissements, jusqu’à ce que l’enquête soit réouverte par la police de London, sous la pression médiatique.

Cette semaine, le chef de police a d’ailleurs présenté ses excuses à la présumée victime. Mais il s’est mis le doigt dans l’œil en précisant que la « sexualisation des jeunes femmes dans la société d’aujourd’hui » contribuait à la violence envers les femmes. Pardon ? Ce genre de propos malheureux rappelle l’époque pas si lointaine où on blâmait les victimes parce qu’elles portaient une mini-jupe.

Mais revenons au projet de loi déposé par la ministre Charest, mardi, qui facilitera justement le processus de plainte, grâce à la création d’un Protecteur de l’intégrité dans le sport.

À terme, ce protecteur remplacera l’Officier indépendant des plaintes qui avait été mis en place par Québec en 2021. Mais l’organisme a du mal à convaincre la communauté de son indépendance, car il se trouve sous la houlette du Regroupement Loisir et Sport du Québec… dont les membres sont des fédérations sportives.

Nommé par le gouvernement, le nouveau Protecteur sera vraiment au-dessus de la mêlée. Il aura aussi la capacité d’aller cogner à la porte des organismes sportifs, d’exiger des documents et de forcer les gens à témoigner. Ce pouvoir d’enquête fait cruellement défaut à l’Officier. L’athlète qui dépose une plainte contre son entraîneur doit faire lui-même la preuve… en présence de l’entraîneur. Tout pour décourager de porter plainte, surtout un jeune qui craint les représailles s’il retourne à l’entraînement.

Le nouveau Protecteur aura donc plus de mordant. Par contre, le système sera éminemment politique, puisque le Protecteur aura seulement le pouvoir de faire des recommandations à l’organisme pris en défaut. Si celui-ci ne veut rien entendre, ce sera à la ministre elle-même de prendre les mesures nécessaires, ce qui n’est pas si évident, car les organismes sportifs ne relèvent pas du gouvernement.

N’empêche, il s’agit d’une belle avancée. Tout comme l’obligation de vérifier les antécédents judiciaires qui sera enchâssée dans la loi et dotée d’une enveloppe de 30 millions. Même les camps de jour et les troupes scouts y seront assujettis. Reste à voir qui entrera dans la définition, qui reste vague. Exigera-t-on les antécédents pour tous les moniteurs de camps de jour l’été ? Pour les gens à la réception d’une piscine ? Pour les bénévoles ?

Sortir les pommes pourries, d’accord. Mais il ne faut pas jeter le panier au complet.

Au-delà des individus sur le terrain, c’est la culture même du sport qu’il faut revoir. Une culture qui accorde une importance démesurée aux médailles, avec des programmes de financement comme À nous le podium.

Une culture de performance qui met une pression démesurée sur les épaules des athlètes et des entraîneurs pour faire briller le Canada aux Olympiques.

Le pire, c’est que les Olympiques n’ont carrément pas d’impact sur la participation de masse aux sports dans l’ensemble de la population, comme le démontre la science. Il serait temps de revoir le mode de financement pour miser un peu moins sur les médailles et un peu plus sur la promotion du sport pour tous. La santé publique ne s’en porterait que mieux. Celle des athlètes d’élite aussi.

C’est à cause de notre quête d’excellence à tout prix que les comportements inacceptables sont tolérés, voire enterrés par des fédérations habituées de travailler en vase clos. On l’a vu dans bien des sports : volleyball, gymnastique, patinage artistique…

En novembre dernier, lorsque l’entraîneur de patinage artistique Richard Gauthier a été reconnu coupable d’agression sexuelle sur un adolescent, une vingtaine de personnes du milieu est venue vanter ses mérites lors des procédures qui l’ont mené en prison. Personne n’a changé son opinion, malgré la culpabilité. Du véritable déni !

Décidément, il y a encore beaucoup à faire pour changer les mentalités et assainir le sport.

Ottawa avait promis une commission d’enquête publique pour crever l’abcès. Mais finalement, nous n’aurons droit qu’à une version édulcorée qui n’aura pas le pouvoir d’exiger des documents et des témoignages de la part des organismes. Dommage.

Au-delà des pommes pourries, c’est la culture du sport qui est malade.