En matière d’intimidation, on sait que Donald Trump ne donne pas sa place.

Mais il joue un jeu extrêmement dangereux en invitant Vladimir Poutine à attaquer ses alliés de l’OTAN, pour forcer ceux-ci à respecter leur engagement en matière de dépenses militaires.

L’ancien président américain a lancé cette bombe lors d’un rassemblement partisan, samedi dernier. Que ferait-il si un pays de l’OTAN qui ne consacre pas 2 % de son PIB à la défense, soit la cible de l’OTAN, lui demandait de le protéger contre une attaque ?

— Non, je ne vous protégerais pas. En fait, je les encouragerais à faire ce qu’ils veulent, a largué celui qui est déjà presque assuré d’être le candidat républicain aux prochaines élections.

Certains diront qu’il s’agit seulement d’une rhétorique pour faire mousser sa popularité chez les adeptes du « America First » qui n’ont plus envie de voir les États-Unis jouer au shérif de la planète.

D’autres feront valoir qu’il ne s’agit que d’un chantage de la part de Donald Trump qui ne fait que traduire dans son langage belliqueux les frustrations que tant d’autres présidents américains ont formulées avant lui à l’encontre des pays qui sous-investissent dans leur défense, en se fiant sur la protection des États-Unis.

Alors que les Américains consacrent 3,5 % de leur PIB à la défense, seulement 11 des 30 pays de l’OTAN dépassent la barre de 2 %.

Sauf que les États-Unis se tireraient dans le pied en abandonnant l’OTAN : si le bloc européen se retrouvait à assurer sa propre défense, il y a fort à parier qu’il le ferait davantage avec ses propres armes, fabriquées par sa propre industrie… plutôt qu’avec des armes achetées des États-Unis.

Mais qu’il s’agisse d’un bluff ou non, les propos de Donald Trump constituent néanmoins une menace pour les pays de l’OTAN, y compris pour le Canada.

La force de l’OTAN repose sur le principe que tous les alliés se défendront les uns les autres, si l’un d’eux était attaqué. Prétendre le contraire, surtout quand on est le plus puissant, mine l’effet dissuasif de cet engagement et expose la planète à des risques accrus.

Ce n’est pas le moment de miner l’OTAN, qui a permis à ses membres de rester en sécurité pendant 75 ans, alors que les risques n’ont jamais été aussi concrets depuis la Seconde Guerre mondiale.

Après avoir envahi l’Ukraine, le président russe ne cache plus son appétit pour les pays baltes qui, eux, font partie de l’OTAN. Ces dernières semaines, les dirigeants de nombreux pays européens, comme le Danemark, le Royaume-Uni ou l’Allemagne, ont d’ailleurs affirmé que la Russie risquait d’attaquer un pays de l’OTAN au cours des prochaines années.

Alors, il ne faut surtout pas tenter le démon en lui donnant envie de tester la détermination de l’OTAN.

Même si les propos de Donald Trump visaient plutôt l’Europe, ils augmentent aussi les risques qui guettent le Canada depuis longtemps.

Le Canada se retrouverait encore plus isolé sur la scène internationale si l’OTAN perdait de son influence et que les États-Unis et l’Europe agissaient davantage en solo.

Comme pays de taille moyenne, toute la politique étrangère du Canada repose sur sa participation aux grandes organisations comme l’OTAN, l’ONU ou le G7 qui lui ont permis de prospérer grâce au maintien de l’ordre international libéral.

L’effritement de ces institutions ferait perdre au Canada sa pertinence sur la scène mondiale qui a déjà fondu au fil des décennies, notamment à cause de son sous-investissement en défense (1,38 % du PIB, un des niveaux les plus bas de l’OTAN).

Dans ce contexte, le Canada deviendrait encore plus dépendant des Américains, ce qui pourrait avoir des conséquences sur l’exercice de notre souveraineté, en particulier dans l’Arctique. On en a eu un avant-goût en 2019, alors que le gouvernement Trump s’était colletaillé avec Ottawa à propos du passage du Nord-Ouest.

Que Donald Trump soit élu ou pas n’y change rien : le mouvement MAGA (Make America Great Again) a déjà un impact bien réel (on n’a qu’à voir comment le Congrès américain réussit à bloquer l’aide à l’Ukraine), et cet impact n’est pas près de s’effacer.

S’il ne veut pas être marginalisé à l’international, s’il ne veut pas devenir un pays satellite des États-Unis, le Canada a une sérieuse analyse à faire. Le gouvernement Trudeau ne veut pas avancer une date pour l’atteinte de la cible de 2 % du PIB en défense, ce qui coûterait des milliards. Mais sous-investir a aussi un coût. Les alliances militaires ne sont pas qu’une question de défense. Elles sont aussi une façon d’exercer une influence politique et économique sur la scène internationale.

Avec une économie qui repose sur les exportations, le Canada ne peut pas se permettre d’être exclu des couloirs du pouvoir. Notre prospérité en dépend.