Au lendemain de la parution d’un rapport-choc s’en prenant aux mécanismes insuffisants de vérification des antécédents dans le sport scolaire, la ministre responsable du Sport, Isabelle Charest, promet de s’attaquer aux « brèches dans le système ». Elle s’engage à déposer cet automne un projet de loi donnant « plus de pouvoir et de capacité d’agir » à l’Officier des plaintes.

Ce qu’il faut savoir

  • Un rapport du ministère de l’Éducation paru jeudi critique le manque de vérifications d’antécédents dans le sport scolaire.
  • En réaction, la ministre responsable du Sport, Isabelle Charest, affirme qu’elle déposera cet automne un projet de loi pour revoir la Loi sur la sécurité dans les sports.
  • Des organismes réclament de leur côté l’adoption d’une loi-cadre sur les violences sexuelles au primaire et au secondaire.

« On travaille en ce moment sur la révision de la Loi sur la sécurité dans le sport. Ce qu’on veut, c’est aller cibler les brèches qui pourraient exister dans le système et avoir une meilleure portée sur tout ce qui est vérification des antécédents », explique Mme Charest en entrevue avec La Presse.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

La ministre responsable du Sport, Isabelle Charest

Elle réagissait ainsi à un rapport de la Direction des enquêtes du ministère de l’Éducation, révélé jeudi par Le Journal de Montréal, selon lequel au sein de Basketball Québec, notamment, « la seule vérification se limite à une vérification des antécédents judiciaires pour toute personne qui désire être affiliée » à la fédération.

Selon le Ministère, « cela laisse un risque élevé, car la majorité des entraîneurs ne sont pas affiliés et ne produisent probablement pas une déclaration d’antécédents judiciaires, et cela, malgré qu’ils soient en contact avec de jeunes athlètes ».

Ce rapport avait été commandé en 2022, dans la foulée d’un reportage de l’émission J.E faisant la lumière sur des allégations de violences physiques, de harcèlement psychologique et d’agressions sexuelles à l’endroit de l’entraîneur de basketball féminin Danny Vincent. Au fil des années, plusieurs joueuses de basketball auraient subi des abus de la part de celui qui a été entraîneur à l’école secondaire du Rocher à Shawinigan, au cégep Édouard-Montpetit et au collège Montmorency.

Une communication à revoir

En février 2022, la situation à l’école Saint-Laurent, où trois entraîneurs de basketball féminin ont été accusés d’exploitation sexuelle, d’agression sexuelle et de contacts sexuels, avait aussi déclenché une enquête. Celle-ci avait identifié, là encore, « d’importantes lacunes sur le plan de la supervision et des contrôles ».

Pour Isabelle Charest, un constat s’impose : « La communication entre les différentes instances ne se fait pas de façon harmonieuse. »

« Ça fait en sorte que si quelqu’un évolue dans le système scolaire et qu’il pose [des gestes inacceptables], ça ne se rendra pas dans le système associatif », reconnaît-elle.

L’Officier des plaintes « remplit son mandat », défend la ministre, qui reconnaît toutefois qu’il « devra y avoir un meilleur arrimage avec les autres instances comme le Protecteur national de l’élève ». « C’est complexe, le système sportif. Ça a plusieurs niveaux, plusieurs organisations, donc c’est sûr que ça ne se fait pas du jour au lendemain. Mais on y travaille », assure la ministre.

À ses yeux, une « amorce de changement de culture » est en cours dans tout le milieu depuis quelques années déjà. « Les gens réalisent de plus en plus que certains comportements sont inacceptables. Tout le monde prend ça au sérieux », dit l’élue.

Vérification « élargie »

Dans le cas de Danny Vincent, « les plaintes formulées aux corps de police n’auraient pas eu d’impact sur le résultat d’une vérification d’antécédents judiciaires », note le Ministère dans son rapport. « Seule une vérification élargie des antécédents judiciaires, incluant l’absence d’empêchement, aurait porté des informations pertinentes aux employeurs potentiels », ajoute-t-on.

Le rapport recommande d’ailleurs d’élargir « le champ d’application des vérifications d’antécédents ». Concrètement, tout entraîneur devrait produire à son employeur « une déclaration élargie de ses antécédents judiciaires, être affilié à sa fédération et produire cette déclaration à chaque fédération à laquelle il appartient comme entraîneur », soutient le gouvernement.

Ce processus devrait se répéter « aux trois ans afin de maintenir un lien de confiance avec l’organisation, les intervenants, les participants et les parents », persiste le Ministère.

Mélanie Lemay, cofondatrice de Québec contre les violences sexuelles, estime que la situation illustre « le caractère urgent d’une loi-cadre sur les violences sexuelles au primaire et secondaire ». « Le fait est que quelque part, les jeunes ne sont réellement protégés d’aucune manière », avance-t-elle.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Mélanie Lemay, cofondatrice de Québec contre les violences sexuelles

Ce n’est pas normal qu’encore aujourd’hui, à l’image des curés qui changeaient de paroisse, des coachs et des enseignants ayant commis des agressions puissent passer d’une école à l’autre en toute impunité.

Mélanie Lemay, de Québec contre les violences sexuelles

En avril, les trois partis de l’opposition à l’Assemblée nationale avaient de nouveau réclamé au ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, l’adoption d’une loi-cadre pour lutter contre les violences sexuelles en milieu scolaire. Un tel cadre existe déjà pour les cégeps et les universités.

Le cabinet de M. Drainville avait toutefois rétorqué que dans la Loi sur le protecteur national de l’élève, « on peut retrouver un pan complet sur les violences sexuelles ».

Or, pour Mme Lemay, le Protecteur national de l’élève et l’Officier des plaintes « ne sont tout simplement pas des mécanismes aidants, dans bien des situations ». « Ces instances n’ont pas été réfléchies en amont pour intégrer la question des violences sexuelles. On le disait en commission : c’est un peu comme faire atterrir un avion dans un port », conclut-elle.