L’heure est venue de reprendre « là où on avait laissé avant la pandémie. On ne veut surtout pas niveler vers le bas », a déclaré mardi Bernard Drainville, ministre de l’Éducation, au sujet du retour en classe à plein régime, avec la totalité des notions au programme à enseigner et des examens du Ministère qui peuvent valoir jusqu’à 50 % de la note finale.

Ce qu’il faut savoir

  • La rentrée scolaire sonne le retour total à la normale avec de pleins apprentissages et des examens du Ministère à leur pleine valeur.
  • Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, le juge nécessaire, mais les profs dénoncent le fait de ne pas avoir été consultés.
  • Ce sont surtout les examens du Ministère, jugés inappropriés, qui sont contestés.

Mardi, La Presse a relevé que cette rentrée scolaire 2023 marquait la fin du régime allégé qui avait cours depuis la pandémie. En raison des retards scolaires et des longues fermetures d’écoles, mais aussi des nombreuses absences d’élèves malades, Québec avait permis aux enseignants de n’enseigner qu’environ 75 % des notions au programme. Deux bulletins plutôt que trois et des examens du Ministère qui comptaient peu caractérisaient aussi le rythme scolaire pandémique.

Lisez « Fin des allègements liés à la pandémie : toutes les notions sont de retour au programme »

Syndicats, enseignants et parents ont réagi, et le ministre Drainville a été interpellé en point de presse mardi.

PHOTO FRANCIS VACHON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville

La pandémie est terminée et donc, mon objectif, c’est de pouvoir retourner à la normale le plus rapidement possible, de pouvoir reprendre l’apprentissage des programmes dans leur totalité.

Bernard Drainville, ministre de l’Éducation

Ce qui irrite au plus haut point Brigitte Bilodeau, vice-présidente à la Fédération des syndicats de l’enseignement, c’est que le ministre n’a pas d’abord jugé bon de consulter les enseignants pour leur demander « si c’était souhaité et souhaitable » de revenir au rythme d’avant la COVID-19, alors qu’ils sont, avec les élèves, « les premières personnes visées par cette décision ».

Mais pourquoi les élèves n’auraient-ils pas les mêmes apprentissages aujourd’hui que ceux qui avaient cours avant la COVID-19 ?

Mme Bilodeau répond qu’au colloque pédagogique tenu au printemps par son syndicat, « les enseignants du primaire ont dit que le programme du primaire est trop lourd » et qu’il y avait une réflexion à faire sur les évaluations, jugées trop incessantes. Pour leur part, « les enseignants du secondaire ont souligné que seules des modifications mineures [au contenu] étaient nécessaires ».

Le retour au plein régime « risque donc de mécontenter surtout les enseignants du primaire », prédit Mme Bilodeau, qui souligne qu’ils en ont déjà plein les bras avec l’aide à apporter aux enseignants non qualifiés qui débarquent massivement dans les écoles.

Face au mécontentement soulevé par sa décision, le ministre Drainville a fait valoir que « le milieu de l’éducation, c’est un milieu où il y a toujours des débats », et que c’était donc « normal qu’il y ait des débats ».

Un trop-plein d’évaluations

En entrevue, Léandre Lapointe, vice-président de la Fédération nationale des enseignants du Québec, qui représente 44 syndicats d’enseignants d’écoles privées, s’est dit d’accord avec l’idée d’enseigner de nouveau toutes les notions au programme.

Par contre, il est en désaccord avec l’idée de revenir à trois bulletins et à des examens du Ministère qui, à la fin du secondaire, comptent pour 50 % dans certains cas.

Les deux bulletins par année [au lieu de trois] permettaient aux enseignants de se concentrer sur les apprentissages. Là, à la fin octobre, il faudra déjà faire un bulletin.

Léandre Lapointe, vice-président de la Fédération nationale des enseignants du Québec

C’est trop tôt, les élèves sont trop souvent en mode évaluation et pas assez en mode apprentissage de façon générale, estime-t-il, reprenant ce que les syndicats et les enseignants dénonçaient vivement déjà avant la pandémie.

À son avis, les parents pourraient très bien être informés des progrès de leurs enfants pendant l’automne sans qu’un bulletin en bonne et due forme soit requis si vite en début d’année.

Ce sont donc le trop-plein d’évaluations et les examens du Ministère jugés largement dépassés qui sont contestés.

Apprendre « mieux »

Sur les ondes de Radio-Canada mardi, Julie Myre-Bisaillon, professeure à la faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke, a avancé que le but n’est pas que les élèves apprennent plus, « mais qu’ils apprennent mieux ».

Elle a souligné que la préparation aux examens du Ministère prend trop de temps aux enseignants et prive les élèves de temps d’apprentissage.

Le Conseil supérieur de l’éducation, qui a été créé en 1964 et qui est chargé de consulter le ministre, est lui-même très critique de ces examens qui servent surtout à évaluer le système, mais qui n’ont pas une grande valeur pédagogique, à son avis.

Les résultats à ces examens font partie du bulletin acheminé pendant l’été. Les élèves ne savent donc pas quelles questions ils ont ratées ni quels concepts ils ne maîtrisent pas.