Aux quatre coins de la province, des grands-parents lèvent la main en ce début de grève pour faire d’une pierre deux coups : passer un peu de temps avec leurs petits-enfants et soulager les parents. Inquiets pour les acquis des élèves, mais solidaires des revendications syndicales, plusieurs souhaitent que la situation se règle le plus tôt possible.

« J’ai le cahier d’exercices et on va peut-être en faire après le dîner, pour qu’elle ne perde pas la main », confie, au bout du fil, Sylvie Bayard, lorsque jointe chez elle à Laval.

Habituée de se lever et de se coucher tard depuis qu’elle est à la retraite, cette grand-mère d’une fillette de 6 ans, Ellie, a accepté de changer ses habitudes cette semaine pour dépanner sa fille et son conjoint.

Rolland Poirier, quant à lui, ne s’est pas fait prier quand il a été question de garder ses quatre petits-enfants, deux garçons et deux filles, pour cette grève d’au moins trois jours entamée mardi. « On s’est donné cette foutue mission », celle d’être grands-parents, lance-t-il à la blague.

Cette « proximité » forcée avec ses petits élèves, ce résidant de Dorval la « chérit ». « Ça nous garde jeunes », raconte-t-il, au bout du fil, mardi, après être passé à travers la « tempête » des repas.

Au menu pour les prochains jours : Lego, bricolage, visites au parc et journée cinéma. Par chance, le domicile familial est voisin, ce qui réduit les opérations de taxi matin et soir.

Une situation dont ne peut profiter Martine Desautels. Sa fille résidant à Joliette, cette grand-mère de Drummondville a dû conduire jusqu’à Trois-Rivières mardi matin pour récupérer sa petite-fille en 2e année.

Solidaires des enseignants

Mais cette retraitée de l’enseignement depuis 2021 n’a pas besoin d’être convaincue du bien-fondé des demandes syndicales. Particulièrement quand il s’agit de la composition des classes.

Un avis partagé par plusieurs grands-parents enrôlés avec qui La Presse s’est entretenue mardi.

Quand ils parlent de la composition des classes, ça fait 20 ans qu’on en parle. On dirait qu’il faut tout le temps qu’on frappe le mur pour réagir.

Martine Desautels, retraitée de l’enseignement

Mme Desautels ajoute qu’elle aurait enseigné plusieurs années encore sans tous les tracas administratifs entourant l’enseignement.

Sa fille étant elle aussi enseignante, Martine Desautels est aux premières loges du conflit de travail qui se déroule actuellement. « L’autre jour, elle est allée chercher le bulletin [scolaire] et elle a dit : c’est incroyable comment ils sont tassés dans la classe, ils sont 23 », dit-elle en soupirant.

Pour Chantal Dupuis, à Sainte-Julie, cette grève de trois jours se transforme en véritable carrousel d’enfants à la maison. « Aujourd’hui, j’en ai deux dont les parents travaillent, demain, j’en ai trois, car il y en a un autre [dont les parents travaillent] et jeudi, je vais en avoir juste une. »

Ce n’est toutefois pas ce va-et-vient incessant qui la préoccupe, mais plutôt les acquis scolaires de ses petits-enfants si le conflit de travail se prolonge.

Ce qui m’inquiète, c’est combien de temps ça va durer. Au retour, [les enfants] vont être complètement décrochés.

Chantal Dupuis

« J’ai tendance à penser que les parents et les enfants sont un peu pris en otage, déplore Mme Dupuis. Ceux qui n’ont pas de grands-parents, ils sont obligés d’arrêter de travailler et ça peut mettre des gens dans la précarité. »

Ne pas perdre la main

Une préoccupation partagée par la Lavalloise Sylvie Bayard qui, habituée de se coucher et de se lever tard à la retraite, a dû reprendre un rythme matinal pour prendre en charge sa petite-fille, Ellie.

Outrée par l’attitude de la Coalition avenir Québec, pour qui elle regrette maintenant d’avoir voté aux dernières élections, cette grand-mère appuie sans retenue le combat des enseignants. « Avec les enfants à problème, je comprends qu’ils sont tannés, les infirmières aussi. Mais si ça va jusqu’à Noël, oh non… », laisse-t-elle en suspens. « Il faut qu’ils règlent ça. »

Si la grève devait se prolonger, Sylvie Bayard craint que les effets soient « catastrophiques ». Non pas pour elle, qui va s’adapter, mais pour les enfants.

Pour l’enseignante retraitée Martine Desautels, qui a connu l’année du verglas, la perspective de voir le calendrier scolaire raccourci ne l’inquiète pas outre mesure. « J’enseignais à Saint-Hyacinthe, l’école a été fermée durant un mois et on n’a pas repris une journée », se souvient-elle.