(Québec) La nouvelle offre sectorielle du gouvernement aux enseignants est un « show de boucane » et constitue un « recul dans les pourparlers », dénonce la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ). Le Front commun, dont fait partie ce syndicat, prévient qu’il « déclenchera la grève générale illimitée au début de 2024 » faute d’entente avant la fin de l’année.

Mardi après-midi, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainvillle, soutenait pourtant que le gouvernement « met beaucoup de choses sur la table » avec sa nouvelle proposition qui contient « des améliorations vraiment importantes ».

Or, la présidente de la FSE-CSQ, Josée Scalabrini, voit les choses bien autrement. « Pourquoi tout ce spectacle aujourd’hui ? Je ne comprends pas. Contrairement à la fin de semaine, on a de grands reculs. Toutes les priorités du gouvernement, rien de significatif sur la composition de la classe et l’allègement de la tâche », déclare-t-elle dans une vidéo diffusée sur Facebook mardi soir.

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La présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement, Josée Scalabrini

Déçue ? Oui. Découragée ? Non. On se relève les manches et on repart parce qu’il nous reste du temps.

Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ, dans une vidéo diffusée sur Facebook

Le gouvernement Legault a procédé à un « important dépôt formel », pour reprendre son expression, dans l’espoir de conclure des ententes avec la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) et la FSE-CSQ. Il disait souhaiter mettre un terme à la grève générale illimitée de la FAE en cours depuis le 23 novembre et éviter que la FSE-CSQ n’emboîte le pas en janvier. La FSE-CSQ a tenu 11 jours de débrayage jusqu’ici (incluant deux jours de fin de semaine et la demi-journée de grève du 6 novembre), comme les autres syndicats du Front commun.

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« On espère que ces nouvelles offres-là vont nous permettre finalement d’obtenir une entente, mais il faut d’abord laisser les syndicats prendre connaissance de ces offres-là », avait dit Bernard Drainville lors d’une mêlée de presse en marge d’une annonce dans Bellechasse. Il ne voulait pas donner de détails sur la proposition du gouvernement.

Le ministre de l’Éducation se disait « confiant » de régler avec les enseignants avant Noël. « On espère qu’on va en arriver à une entente dans les prochains jours, sinon dans les prochaines semaines. »

Quant à une éventuelle modification au calendrier scolaire, Bernard Drainville reconnaît qu’il y aura « du rattrapage à faire » pour bien des élèves qui, jusqu’ici, ont manqué plus de 20 jours d’école. « On n’a pas encore pris de décision finale sur le calendrier scolaire […] Tout est sur la table. »

Mardi matin, Québec a annoncé un report des examens ministériels qui étaient prévus en janvier. Il s’agissait principalement d’examens de reprise qui touchaient une minorité d’élèves. La date de leur report n’a pas été fixée.

Vers une grève générale illimitée ?

Lors d’une rencontre de leurs instances respectives, les organisations du Front commun (CSN, FTQ, CSQ et APTS) ont fait le point sur les négociations. Les pourparlers avec le gouvernement avancent, mais pas à un rythme satisfaisant, résume-t-on.

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Le président de la CSQ, Éric Gingras

« Toutes nos énergies sont déployées pour arriver à un règlement avant la fin de l’année », a indiqué le président de la CSQ, Éric Gingras. Mais à défaut d’une entente d’ici là, les 1500 délégués des organisations syndicales ont voté unanimement pour que le Front commun déclenche « rapidement » la grève générale illimitée « au moment opportun en début d’année 2024. ».

Ils ont fait le choix de ne pas fixer dès maintenant la date d’un débrayage en janvier. Les chefs syndicaux ont les coudées franches au retour des Fêtes pour le déclencher « au moment opportun » s’il n’y a pas d’accord avec le gouvernement d’ici là. Ils tiendront une conférence de presse mercredi matin, à Québec.

Bien que les discussions à la table centrale continuent d’avancer, les questions des salaires, des assurances, des disparités régionales et des ouvriers spécialisés ne sont toujours pas réglées.

Extrait d’une déclaration du Front commun

Le Front commun se dit prêt à signer des conventions collectives de cinq ans, mais il ne chiffre plus ses demandes. Elles étaient au départ d’environ 23 % en trois ans. « Nous n’avons pas chiffré ces demandes, nous avons plutôt indiqué au gouvernement que notre ouverture était liée à deux conditions, soit : qu’elle garantisse la protection du pouvoir d’achat et qu’elle amène un enrichissement. Celui-ci n’a pas été chiffré afin de laisser un espace de négociation à la table. »

Rappelons que Québec a envoyé le signal qu’il bonifiera sa dernière offre d’augmentations de salaire de 12,7 % en cinq ans. Et comme La Presse l’écrivait, le Front commun a réclamé récemment, pour la même période, une clause d’indexation de 18,1 % pour couvrir la hausse du coût de la vie et une augmentation de 7 % – au lieu de 9 % – à titre d’« enrichissement ». Il a remis en question la hausse de 7 % depuis.

Le Front commun réitère que « pour conclure une entente à la table centrale, il devra y avoir des avancées » au sujet des assurances et des ouvriers spécialisés, « de même qu’en ce qui concerne les conditions de travail aux différentes tables sectorielles ».

Un conciliateur dans les négos avec la FIQ

De son côté, la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) a demandé au ministre du Travail, Jean Boulet, de nommer un conciliateur « devant les progrès trop lents des discussions ». M. Boulet a procédé à la nomination rapidement. Notons que des conciliateurs sont à l’œuvre à d’autres tables depuis un moment.

Selon la présidente de la FIQ, Julie Bouchard, « le gouvernement est braqué sur ses positions et refuse de faire des compromis ». Malgré plus de 75 séances de négociation, « il y a encore des différends très importants entre nous et le gouvernement », ajoute-t-elle. « Sur les enjeux fondamentaux, comme la gestion du temps supplémentaire, les ratios et la compensation des inconvénients, nous sommes toujours très éloignés. »

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a commenté la nomination d’un conciliateur en disant que le gouvernement veut « faire progresser les discussions positivement afin de faciliter l’atteinte d’une entente rapidement ».

Or, la semaine dernière, le premier ministre François Legault disait que les pourparlers sont « très, très difficiles » avec les syndicats des travailleurs de la santé et que la perspective d’une entente s’éloigne. « Il n’y a à peu près aucune ouverture à nous donner la flexibilité qui est absolument nécessaire pour améliorer les services en santé. Donc, de ce côté-là, je pense que ça va aller plutôt en janvier », affirmait-il.

Avec la collaboration de Gabriel Béland, La Presse