Si certains voient d’un bon œil l’acceptation de l’entente de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) annoncée vendredi, des enseignants redoutent qu’elle ne règle ni la pénurie de personnel ni les problèmes qui affligent les écoles.

L’entente de principe conclue entre Québec et la FAE a enfin été adoptée vendredi grâce au vote d’appui à 50,58 % du dernier syndicat appelé à se prononcer.

« Je pense que c’est une bonne nouvelle », estime l’ex-chef syndical de la CSN Jacques Létourneau.

« S’ils rejetaient l’entente, ils devaient recommencer les négociations, et ça les plaçait dans une situation où il n’y avait à peu près plus de rapport de forces pour essayer de bonifier l’entente sectorielle. » La FAE aurait peut-être été en mesure de bonifier légèrement les conditions de travail, « mais l’entente n’aurait pas été fondamentalement différente », pense-t-il.

Jacques Létourneau estime toutefois que le vote serré pour l’entente envoie un message au gouvernement.

Ça montre que ce n’est pas suffisant. Les enseignantes et les enseignants sont à bout. Les attentes étaient très élevées, mais c’était sûr que la négociation n’allait pas tout régler non plus.

Jacques Létourneau, ex-président de la CSN

Il a bon espoir que le dialogue entre le gouvernement et les syndicats ne sera pas rompu. « Il faut trouver comment attirer de la main-d’œuvre, garder le personnel et régler les problèmes de composition de la classe », détaille-t-il.

Une entente sectorielle « énormément décevante »

De nombreux enseignants expriment toutefois leur déception. « Je suis déçu. Cette entente n’améliorera pas la pénurie et les mauvaises conditions dans les écoles », dit l’enseignant au secondaire Jean-Sébastien Draws, qui envisage désormais d’aller enseigner au privé.

Il juge la partie intersectorielle, soit le salaire et la retraite, convenable, mais trouve la partie sectorielle « énormément décevante ». « Il n’y a rien dans l’entente qui permette de changer les choses. Ça aura été 22 jours gaspillés », dit-il en faisant référence à la grève générale illimitée qui s’est tenue en novembre et décembre.

« J’ai honte à ma fédération. Ma fédération a toujours dit qu’elle n’allait jamais signer une entente au rabais. C’est ça qui a été fait », dit l’enseignant en adaptation scolaire au primaire Francis-Germain Jannard. Il se désole également de constater que plusieurs de ses collègues n’ont pas pris part au vote.

L’enseignant des Basses-Laurentides aurait souhaité de meilleures mesures touchant la composition de la classe. « On reçoit dans nos classes des élèves ayant des besoins très particuliers qui auraient pu être dirigés dans d’autres classes beaucoup plus adaptées. »

« Des votes au milieu de la nuit »

« Une chose est certaine, la FAE doit revoir la façon dont elle fait ses consultations, dit Jacques Létourneau. C’est sûr qu’avec une assemblée qui finit à 2 h du matin, la moitié dorment derrière leur écran. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. »

C’est le contraire de ce qu’on demande à nos élèves. Faire des évaluations en fin de journée, c’est à proscrire. Donc pour nous aussi, faire un choix éclairé en début de nuit, ce n’est pas très humain.

Caroline, enseignante au secondaire qui a préféré taire son nom de famille pour ne pas subir de représailles

« La structure syndicale doit se moderniser », estime également Manon Bélisle, enseignante au préscolaire depuis 36 ans. « Des votes au milieu de la nuit gardent seulement les plus convaincus et briment le droit de vote des membres qui ont des responsabilités parentales ou un groupe d’élèves très exigeant et brûlant. Enseigner le lendemain d’une nuit blanche, c’est très difficile, parfois même dangereux. »

Elle aurait d’ailleurs souhaité que les membres soient les premiers à recevoir l’entente avant que les informations circulent dans les médias et que la FAE diffuse des vidéos de présentation uniformes pour les neuf syndicats.