L'ombre de la crise financière aux États-Unis et ses retombées possibles au Canada ont dominé la première portion du débat des chefs. Le chef conservateur Stephen Harper a dû affronter les tirs nourris de ses quatre adversaires, qui ont dénoncé à tour de rôle le bilan économique du gouvernement conservateur et l'absence de mesures pour affronter la tempête.

C'est le chef libéral, Stéphane Dion, qui a lancé la première flèche mordante à Stephen Harper. «Le risque économique, c'est vous!» a-t-il dit, en rappelant que le Canada a eu la pire performance cette année de tous les pays du G8.

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M. Dion a ensuite sorti une nouveauté de son chapeau en annonçant un plan pour les 30 premiers jours d'un mandat libéral. Il a promis de demander aux grandes institutions, comme la Banque du Canada, de mieux protéger les Canadiens. Il a promis également de consulter les économistes indépendants sur les mesures à adopter pour assurer la vigueur de l'économie canadienne. Il a enfin promis de nouvelles mesures fiscales en matière d'emploi, en particulier dans le secteur manufacturier.

Duceppe dénonce le « laisser-faire »

Le chef bloquiste, Gilles Duceppe, a insisté pour sa part sur le « laisser-faire » du gouvernement Harper, qui s'inspire selon lui de l'administration de George W. Bush. « Il a favorisé les pétrolières au détriment des secteurs manufacturier et forestier », a reproché M. Duceppe.

« On doit arrêter de dire que tout va bien, M. Harper », a pour sa part lancé le chef du NPD, Jack Layton. « Il faut un changement de direction. Les réductions d'impôts pour les banques et les pétrolières sont néfastes. »

« Pardonnez-moi, M. Harper, mais vous n'êtes pas un bon gestionnaire de l'économie », a laissé tomber la chef du Parti vert, Elizabeth May.

Voulant se montrer rassurant, le premier ministre a répondu à toutes ces attaques en rappelant que le Canada n'était pas les États-Unis, que les bases de l'économie canadienne étaient solides, qu'Ottawa enregistrait toujours des excédents budgétaires et que la seule façon de passer au travers de la crise était de maintenir le cap de sa gestion. Il a ajouté que son gouvernement avait bien préparé le terrain pour un atterrissage en douceur de l'économie en réduisant les impôts des Canadiens, en remboursant la dette, en maintenant l'équilibre budgétaire et en faisant certains investissements stratégiques dans le secteur manufacturier.

« Il y a une grande différence entre les États-Unis et le Canada. On ne perd pas des emplois, on ne perd pas des maisons ni des banques. Ce n'est pas le cas ici », a dit M. Harper, ajoutant que l'économie canadienne avait créé 800 000 emplois depuis l'arrivée au pouvoir des conservateurs.

Le débat de ce soir offrait une nouveauté. Les chefs étaient assis autour d'une grande table afin de faciliter les échanges. Dans l'ensemble, ils ont gardé leur calme, même si les échanges ont été musclés.

Stephen Harper s'est aussi retrouvé sur la défensive dans plusieurs dossiers, soit l'environnement, la culture et l'identité québécoise, la lutte contre la criminalité et la place du Canada dans le monde.

Environnement: Harper vertement critiqué

Dans le dossier de l'environnement, ses quatre adversaires ont vertement critiqué la timidité du plan vert de M. Harper.

M. Harper a soutenu contre vents et marées que ce plan, qui prévoit une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % d'ici à 2020, est « réaliste ». Il a aussi affirmé que l'ancien gouvernement libéral, dont faisait partie Stéphane Dion, est responsable du piètre bilan environnemental du Canada puisque les émissions ont augmenté de 33 % entre 1990 et 2004.

Gilles Duceppe a de nouveau accusé le chef conservateur de défendre les intérêts des pétrolières au lieu de s'engager à fond dans la lutte contre les changements climatiques.

Comme il fallait s'y attendre, les partis de l'opposition s'en sont donné à coeur joie contre M. Harper dans le dossier de la culture et de l'identité québécoise. Le premier ministre a soutenu que la reconnaissance de la nation québécoise a été « une bonne chose » et un beau geste de réconciliation. M. Dion a rétorqué qu'il reconnaissait depuis longtemps la nation québécoise, alors que la seule idée de société distincte « donnait encore des boutons à M. Harper ».

Ce dernier a répété, au sujet de la culture, qu'il trouvait injuste qu'un gala des artistes subventionné par Ottawa serve de tremplin pour critiquer les politiques culturelles du gouvernement fédéral et pour prétendre que son gouvernement avait « coupé » dans la culture. « Ils peuvent le dire, a lancé le chef conservateur, mais ce n'est pas vrai. »

Le thème de la place du Canada dans le monde a surtout donné lieu à une dure discussion sur la mission canadienne en Afghanistan, discussion au cours de laquelle le chef libéral a accusé Stephen Harper de tenir un double discours, soit promettre le retrait des forces canadiennes sans pour autant en avertir les alliés de l'OTAN et le gouvernement Karzaï.

« Vous ne l'avez pas fait, a dit M. Dion à M. Harper, parce que vous n'avez pas le sens des responsabilités. »

M. Harper a répondu que M. Dion a laissé les émissions de gaz à effet de serre croître de 35 % sous le règne libéral. Gilles Duceppe est alors intervenu pour rappeler à M. Harper qu'à l'époque, il trouvait que M. Dion en faisait déjà trop. « Maintenant que vous êtes au pouvoir, a-t-il ajouté, vous sabotez au profit des pétrolières. »