Une cinquantaine d'universitaires et de professionnels du Québec se liguent pour dénoncer les politiques «obscurantistes» de Stephen Harper en matière de lutte contre la criminalité. Ces experts estiment que le plan du premier ministre de durcir les peines contre les jeunes délinquants est voué à l'échec.

« Ce projet part dans la mauvaise direction et ne repose sur aucune base empirique. Ils nous place même devant une situation où le remède est pire que le mal », peut-on lire dans une lettre d'opinion signée notamment par plusieurs criminologues renommés du Québec, par le président de l'Association canadienne pour la santé des adolescents, par le président de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec et par le président de l'Ordre des psychoéducateurs du Québec.

« L'objectif qui consiste à mieux protéger la société ne sera pas atteint », a expliqué à La Presse Denis Lafortune, professeur à l'École de criminologie de l'Université de Montréal et l'un des signataires de ce texte..

La croyance selon laquelle des peines obligatoires plus dures envers les adolescents violents permettraient de mieux protéger la société est extrêmement critiquable à plusieurs titres, dit M. Lafortune. Plusieurs études ont déjà démontré que ce n'est pas la sévérité de la peine qui a le plus grand effet dissuasif, mais l'assurance d'être puni. Bref, mieux vaut punir plus régulièrement et moins sévèrement que l'inverse.

Obscurantisme

« Notre intention n'est pas d'excuser ni de surprotéger les jeunes auteurs de crimes violents, préviennent les auteurs de la lettre. Notre intention est plutôt de dénoncer cette manière obscurantiste de se référer au «bon sens» pour mieux balayer du revers des résultats de plusieurs centaines d'études et les ramener à de simples «opinons d'experts». »

« C'est un peu comme si M. Harper nous disait qu'il y a beaucoup de voix, de monsieur et madame Tout-le-Monde qui savent que le réchauffement de la planète n'est pas dû aux activités de l'homme et qu'on doit, pour relancer notre économie, avoir des politiques «réalistes» qui mettent en valeur les sables bitumineux. »

Le seul rapport jugé crédible par ces experts et sur lequel Stephen Harper s'appuie est celui du juge Merlin Nunn, qui a présidé une commission d'enquête sur les jeunes et la justice en Nouvelle-Écosse.

Or, le juge Nunn a contredit publiquement, la semaine dernière, l'interprétation que les stratèges conservateurs ont faite de son volumineux rapport. Il a nié avoir proposé des peines d'emprisonnement à vie dès l'âge de 14 ans pour les jeunes reconnus coupables de meurtre, et a accusé le premier ministre de démagogie. « C'est de l'imposture intellectuelle », dit M. Lafortune.

Les experts relèvent que plusieurs dispositions existent déjà dans la loi pour responsabiliser les jeunes et qu'il faut à tout prix s'assurer de maintenir des peines proportionnelles.

En mai 2008, la Cour suprême a d'ailleurs rappelé l'importance du principe voulant que les jeunes contrevenants soient traités avec moins de sévérité que les justiciables adultes.