Selon une étude commanditée par la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, le tiers des journées d'hospitalisation au Québec est directement attribuable au tabagisme, ce qui engendre des dépenses de 928,7 millions de dollars par année.

Ces données remises à La Presse alimentent la guerre de chiffres en cours à l'heure où des provinces ont déjà poursuivi des compagnies de tabac, mais où le Québec tarde toujours à le faire.

Pierre-Yves Crémieux, directeur associé au Groupe d'analyse et auteur de l'étude, en conclut que «si le tabagisme était éliminé au Québec, l'équivalent d'environ le tiers des lits d'hôpitaux serait libéré et donc disponible pour d'autres usages».

Pour en arriver à cette conclusion, Pierre-Yves Crémieux a épluché les données de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes réalisée en 2007 et 2008. Dans le cadre de cette enquête menée auprès de 18 000 répondants, il est notamment demandé à chaque personne si elle a été hospitalisée au cours de la dernière année.

Toujours grâce à cette enquête qui demande aussi aux gens leur âge, leur niveau de scolarité, leurs revenus, leurs niveaux de stress et d'activité physique, etc., M. Crémieux estime avoir bien contrôlé les autres variables qui peuvent mener les gens à l'hôpital.

Cela étant dit, M. Crémieux note que les faiblesses de son étude viennent de ce qu'«on ne mesure pas ici (directement) les dépenses en santé, mais que l'on demande plutôt aux gens quelle a été leur interaction avec le système de santé».

Ainsi, si l'on sait qu'une nuit à l'hôpital coûte normalement 839,17$ au système québécois, il n'est pas possible de chiffrer plus précisément combien il en a coûté pour chaque fumeur. Les fumeurs, plus malades, ont-ils besoin de plus de soins, de plus de radiographies, par exemple? demande M. Crémieux. De tout cela, l'étude n'a pas pu rendre compte.

La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac est satisfaite de l'étude qu'elle a commandée. «Il est scandaleux de constater que près du tiers des coûts déboursés par les contribuables pour soutenir les hospitalisations au Québec est dû à des produits complètement inutiles, dont l'existence sert uniquement à générer des profits pour des multinationales sans scrupules», affirme Flory Doucas, porte-parole de la Coalition.

Comparables

De tels chiffres ne sont certes pas innocents dans la bataille déjà entreprise entre les fabricants de tabac et les gouvernements de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, qui ont intenté des poursuites.

La Cour suprême du Canada avait dû au préalable, en 2005, valider la constitutionnalité d'une loi de la Colombie-Britannique qui ouvrait la voie à des poursuites à l'endroit de l'industrie du tabac dans le but de récupérer les coûts liés aux soins de santé.

À son tour, en 2009, le Québec a voté sa propre loi en ce sens. À ce moment-là, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, avait avancé que le poids de la cigarette sur le système de santé (ce qui inclut davantage que les seules hospitalisations évaluées dans l'étude de Crémieux) s'élevait à 923 millions de dollars annuellement.

Au ministère de la Santé, on nous a indiqué que les coûts directs sont maintenant estimés à 990 millions par an, ce à quoi s'ajoutent 4 milliards en coûts indirects. L'étude sur laquelle s'appuie le Ministère est celle du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, publiée en 2006 et basée sur des données de 2002.

En 1998, aux États-Unis, une entente à l'amiable a été conclue avec les fabricants de tabac, qui ont consenti 256 milliards sur 25 ans pour payer les coûts de soins de santé liés au tabagisme.

À noter qu'aux fins de cet article, le cigarettier Imperial Tobacco a été contacté pour commenter, mais personne n'a rappelé.