Pas de coalition, pas de hausse d'impôts pour les particuliers, pas d'agenda caché. Au moment de lancer sa campagne électorale, en face du Parlement canadien, le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, a tenté de tailler en pièces l'argumentaire de son principal adversaire, le chef conservateur Stephen Harper.

«J'exclus de former un gouvernement de coalition. C'est mon engagement envers la population canadienne», a lancé M. Ignatieff, samedi. Tôt en matinée, avant que M. Harper ne se rende chez le gouverneur général pour déclencher les élections, les troupes libérales ont publié un communiqué clarifiant la position de M. Ignatieff sur la question qui avait éclipsé toute la semaine les autres enjeux.

«Nous ne formerons pas une coalition avec d'autres partis fédéralistes. Dans notre système, les coalitions constituent une option constitutionnelle légitime. Toutefois, je considère qu'une collaboration au coup par coup avec d'autres partis est la meilleure façon de fonctionner pour les gouvernements minoritaires, a souligné le chef libéral. Nous excluons catégoriquement toute forme de coalition ou d'entente formelle avec le Bloc Québécois.»

En point de presse, M. Ignatieff, entouré d'une dizaine de ses députés, n'a pas caché son intention de tourner la page sur cette question controversée.

«Je n'allais pas faire 36 jours à répondre à la même question», a-t-il dit.

Quelques semaines après les dernières élections, à l'automne 2008, le Parti libéral - alors dirigé par Stéphane Dion -, avait conclu une entente avec le NPD de Jack Layton. Avec le soutien du chef bloquiste Gilles Duceppe, la coalition proposait de remplacer le gouvernement minoritaire de Stephen Harper.

Aujourd'hui, ce dernier ne cesse de marteler que les Canadiens doivent choisir entre un gouvernement majoritaire conservateur, ou une coalition des libéraux avec des «socialistes» et des «séparatistes».

Pour le chef libéral, M. Harper ment en brandissant le spectre de la coalition.

«M. Harper ne reconnaîtrait pas la vérité si elle venait lui serrer la main», a dit M. Ignatieff, rappelant que le gouvernement minoritaire de Stephen Harper était tombé, vendredi, sur une motion de censure condamnant les troupes conservatrices pour outrage au Parlement, une première dans l'histoire du Canada.

«M. Harper pense que la démocratie est un obstacle embêtant», a ajouté le chef libéral.

Répondant aux attaques du chef conservateur, qui l'accuse d'avoir un agenda caché pour augmenter les taxes et les impôts, M. Ignatieff s'est engagé à «livrer le granite en dessous des pieds des Canadiens sans augmenter les impôts des familles».

Sa solution serait plutôt d'annuler les baisses d'impôts aux entreprises, et revenir au taux d'imposition de 18%, ce qui selon lui est très concurrentiel à l'échelle mondiale.

«Avec le revenu que nous épargnerons par ce choix-là, nous allons faire deux choses: repayer le déficit, financer l'aide aux aidants naturels et investir dans l'éducation et la formation», a souligné le chef libéral.

«Ce sont nos choix. C'est une comparaison nette et claire avec le gouvernement actuel qui veut donner des cadeaux aux entreprises, acheter des avions de chasse à 30 milliards de dollars et créer des prisons», a-t-il conclu.

Prônant une campagne ouverte, au cours de laquelle il entend rencontrer des «Canadiens ordinaires», M. Ignatieff a, dès son premier point de presse, été interpellé par un citoyen, qui critiquait le fait que le chef libéral a vécu de nombreuses années à l'extérieur du Canada.

«Je suis un Canadien, j'ai toujours été un Canadien et je ne serai jamais rien d'autre qu'un Canadien, a répondu M. Ignatieff. J'ai été fier d'avoir vécu à l'étranger, je suis fier d'être revenu. Et ma vision de la citoyenneté canadienne, c'est que nous sommes des citoyens du monde.»

Les libéraux ont lancé, en après-midi, leurs premières publicités télévisuelles de la campagne, en ciblant notamment les familles, dans le message en anglais. En français, le chef libéral Michael Ignatieff témoigne de son amour pour le Québec, rappelant qu'il a été le premier à reconnaître la nation québécoise.

«Je crois que l'on peut être Québécois et Canadien, dans l'ordre qu'on le désire, dit-il. Et je sais que nous avons besoin de l'engagement et de la créativité des Québécois pour rendre le Canada plus fort.»

Des publicités radio régionales ont aussi été lancées samedi.

En fin d'après-midi, Michael Ignatieff a tenu son premier grand rassemblement, au centre-ville d'Ottawa, dans une circonscription détenue par le NPD depuis 2004. Entouré de son équipe de députés sortants et candidats de la région, dont l'ancien directeur national du Parti libéral du Canada, Steven MacKinnon, qui se présente dans Gatineau.

Devant plus de 500 partisans, le chef libéral a concentré ses attaques sur son adversaire conservateur, qui selon lui «a été reconnu coupable d'outrage contre la population canadienne».

La tournée libérale prend la route en direction de Montréal, samedi en soirée, et tiendra des événements dans au moins deux circonscriptions de la métropole, dimanche.