À la «campagne de peur» de Stephen Harper, Michael Ignatieff veut opposer une campagne «d'espoir», jugeant que le contenu et les idées triompheront sur la perception.

«Il y a quelque chose de faux dans l'évocation de la peur de la part de Stephen Harper», a estimé le chef libéral, dans une entrevue accordée à La Presse, au terme d'une première semaine de campagne électorale.

«Si on avait vraiment raison d'avoir peur de quelque chose, oui, c'est possible que la politique de la peur, ça marcherait, mais ce n'est pas le cas, a expliqué Michael Ignatieff, dans un bref moment d'arrêt, à Kitchener, en Ontario. De dire aux gens que s'il n'a pas de majorité, ce sera la dégringolade économique, ce n'est pas crédible. De dire, comme il l'a fait aujourd'hui, que sans une majorité nous allons perdre nos marchés à l'extérieur, c'est une insulte à l'intelligence des gens.»

Ce que la population canadienne a besoin d'entendre dans cette campagne électorale, selon lui, ce sont des solutions simples, à des problèmes précis.

«Il y a des listes d'attente en garderies. Les familles canadiennes veulent que quelqu'un fasse quelque chose pour réduire les listes d'attente, a souligné à titre d'exemple le chef libéral. Je suis optimiste que les gens attendent un message d'espoir, qui s'attaque à leurs véritables préoccupations. Et je crois qu'on est sur la bonne voie.»

Toute la semaine, M. Ignatieff a présenté ses engagements en matière de politiques sociales; retraites, éducation, soins à domicile, services de garde.

Et même si les sondages ne semblent pas bouger beaucoup, accordant toujours une avance considérable aux conservateurs, le chef libéral dresse un bilan positif de cette première semaine de sa toute première expérience en campagne électorale.

«Il y a un enthousiasme, une volonté de gagner, dans la foule, et au sein de l'organisation», a-t-il dit.

À la tête d'un parti qui a longtemps été accusé d'être trop centralisateur et d'avoir tendance à s'ingérer dans les compétences des provinces, Michael Ignatieff a prôné toute la semaine un fédéralisme de respect, respect des provinces et respect de leurs compétences.

Ainsi, pas question de sabrer dans les transferts fédéraux pour éliminer le déficit, comme l'ont fait, dans les années 90, les libéraux de Jean Chrétien. Si l'actuel chef libéral croit qu'il est tout de même possible d'en arriver à un déficit zéro en 2015, comme le promettent les conservateurs, ce sera fait, sous les libéraux, au détriment des grandes entreprises, qui verront leur fardeau fiscal remonter au niveau d'avant 2011, soit un taux d'imposition de 18%.

«On a fait beaucoup de travail afin de pouvoir assurer aux gens qu'on ne va pas hausser les taxes et impôts des contribuables. Ni baisser les transferts aux provinces, a expliqué M. Ignatieff. Il faut maintenir le système de santé, il faut maintenir les transferts en éducation et le reste. Mais en réduisant le gaspillage, en refusant de donner plus de cadeaux aux corporations, en ciblant les dépenses absolument nécessaires d'investissements en formation et en aide pour les aidants naturels.»

«Vous allez voir, nous avons un plan», a-t-il ajouté, à quelques jours du dévoilement de la plateforme libérale, à Ottawa.

Grands projets

Mais Michael Ignatieff est réaliste. Les grands projets, comme celui d'un train rapide Québec-Windsor, auquel il affirme «rêver», ne se feront pas du jour au lendemain, compte tenu de l'ampleur du déficit actuel.

«On arrive au pouvoir le 2 mai. On fait les études, les concertations avec les élus provinciaux et municipaux. Mais on va rouler doucement, parce que ça coûte cher», a-t-il souligné.

Ne fermant pas la porte à une aide financière d'Ottawa dans des projets hydroélectriques comme celui du Bas-Churchill, le chef libéral prône une stratégie fédérale-provinciale pour le développement de l'énergie durable.

«Ce qui manque totalement dans la vision d'Harper, c'est une volonté de travailler ensemble avec les provinces sur le développement de l'énergie durable, a dit M. Ignatieff. C'est un dossier compliqué, mais on ne peut pas prendre Terre-Neuve-et-Labrador à part des enjeux du Québec.

Un gouvernement libéral, donc, pourrait appuyer la première partie du projet du Bas-Churchill (Muskrat Falls), par une garantie de prêts, si en contrepartie Québec est invité à participer, avec Terre-Neuve et le fédéral, par exemple, à la deuxième phase de développement, Gull Island.

«Comme ça on a un résultat à long terme, où il y a de l'équité, de l'équilibre, a soutenu Michael Ignatieff. Et l'on avance sur ce qui est crucial; qu'une fédération canadienne puisse faire les choses ensemble.»