S'il est réélu, le Parti conservateur ne laissera pas Bertrand Cantat entrer au pays. La ministre fédérale responsable de la région de Québec, Josée Verner, a affirmé mercredi que son gouvernement s'opposait à la venue de l'ex-chanteur de Noir Désir sur la scène du TNM.

«Comme femme, je suis à la fois triste et bouleversée par cette initiative, a-t-elle dit à La Presse. J'ai rencontré au fil des ans beaucoup de femmes victimes de violence et je suis très mal à l'aise avec ce projet. Je peux vous dire que notre formation politique n'accordera pas de permis de séjour temporaire à M. Cantat. Il n'y aura aucune exception à la loi sur l'immigration, celle-ci doit être appliquée à la lettre.»

La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés interdit en territoire canadien toute personne reconnue coupable, à l'étranger, d'un crime punissable au Canada «d'un emprisonnement maximal d'au moins 10 ans». Ce qui est le cas de Bertrand Cantat, reconnu coupable d'homicide pour la mort de l'actrice Marie Trintignant en 2004. Une permission peut toutefois être obtenue cinq ans après la fin de sa peine (ce qui nous mène en 2017).

Selon Jacqueline Roby, porte-parole de l'Agence des Services frontaliers, la seule façon de contourner l'interdiction est de faire une demande de réadaptation ou une demande de permis de séjour temporaire. Dans les deux cas, il s'agit de «circonstances exceptionnelles». La demande doit être accompagnée de trois lettres de recommandation et d'un certificat policier.

Un peu plus tôt mercredi, Mme Verner a déclaré sur les ondes de CHOI à Québec que les motifs humanitaires pouvant permettre une exception à la venue du chanteur, «ne s'appliquaient pas». «Je trouve ça déplacé. Ça me choque. On avait besoin de ça autant qu'un trou de balle dans la tête», a-t-elle ajouté en ondes.

Pourtant, plusieurs sources ont affirmé que Bertrand Cantat était venu en 2010 pour répéter avec le metteur en scène Wajdi Mouawad, qui l'a sollicité pour composer la musique des choeurs d'une trilogie de Sophocle et qu'il devait interpréter sur scène. La ministre Verner a dit être au courant de la rumeur, mais a affirmé qu'il s'agissait d'une question hypothétique. Elle n'a pas voulu dire si son parti allait faire enquête pour savoir si la rumeur était fondée et, surtout, pourquoi les Services frontaliers ont laissé rentrer M. Cantat.

Le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe s'est lui aussi opposé à ce que le Canada accorde une exception au rockeur français. «Je crois à la réhabilitation, certes, mais je ne pense pas que l'attente de 10 ans est exagérée», a-t-il justifié mercredi midi en point de presse à Rivière-au-Renard.

Depuis le début de cette affaire, la directrice artistique du TNM, Lorraine Pintal, a défendu le choix artistique du dramaturge d'origine libanaise et soutenu la réhabilitation de Cantat, affirmant même faire un «un geste humain» en l'accueillant. Mais Wajdi Mouawad, lui, ne s'est toujours pas prononcé dans ce débat. Son attachée de presse française, Dorothée Duplan, a dit à La Presse que le metteur en scène allait réagir publiquement «une fois que la poussière allait retomber». Mouawad sera à Ottawa le 18 avril pour le dévoilement de la prochaine saison du CNA. La pièce doit être créée en juin à Athènes, puis présentée au festival d'Avignon en juillet, avant de prendre l'affiche du TNM à partir du 4 mai 2012.

Mais face à la réaction des conservateurs, le TNM sera forcé de revoir ses plans si Stephen Harper est reporté au pouvoir. Lorraine Pintal, qui joue tous les soirs au Rideau Vert (Madame Louis 14) n'a pas réagi aux déclarations de Mme Verner. La directrice des communications et du marketing, Annie Gascon a répondu à La Presse par un courriel: «Le TNM fait actuellement le point sur l'ensemble de la situation. Nous informerons les médias prochainement.»