Depuis le début de la campagne électorale, le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe attaque sans ménagement les conservateurs de Stephen Harper.

Il maintient que seul le Bloc québécois, qui règne en maître sur le Québec depuis 1993, peut empêcher les conservateurs d'obtenir la majorité des sièges qu'ils convoitent tant à la Chambre des communes depuis 2006. Gilles Duceppe mentionne à peine le nom du chef libéral Michael Ignatieff. Et quand il fait brièvement référence au NPD, il parle de son «ami» Jack Layton en disant qu'il ne pourra jamais devenir premier ministre du Canada.

À partir d'aujourd'hui, le chef bloquiste pourrait être contraint de modifier son discours. Car le NPD n'est plus cette formation politique au Québec qui languit au dernier rang dans les intentions de vote. Les troupes de Jack Layton occupent maintenant la deuxième place avec 24% d'appuis, à 10 points de pourcentage du Bloc québécois. Depuis 2000 (1,2% des voix), le NPD est en constante progression au Québec (4,6% en 2004, 7,5% en 2006, 12,2% en 2008).

Le NPD supplante donc pour la première fois de son histoire le Parti conservateur et le Parti libéral. Il se hisse du même coup au premier rang parmi les partis fédéralistes. Un exploit qui s'explique par le travail inlassable de Jack Layton, mais aussi par l'omniprésence de son adjoint au Québec, Thomas Mulcair, candidat et député sortant d'Outremont.

Depuis qu'il est arrivé à la barre du NPD, en 2003, Jack Layton s'est employé à se débarrasser de certains des vieux démons de son parti au Québec, en particulier le fait que le NPD est perçu comme un parti centralisateur.

En 2005, le NPD a donc adopté ce qui est convenu d'appeler «la déclaration de Sherbrooke» qui prône le fédéralisme asymétrique pour le Québec. Concrètement, le NPD reconnaît la différence québécoise en accordant au Québec un droit de retrait complet et une compensation financière adéquate quand Ottawa propose de mettre sur pied un programme dans un champ de compétence des provinces.

Natif de Hudson, près de Montréal, M. Layton s'est toujours dit convaincu que le Québec peut être un terreau fertile pour le NPD étant donné la tradition sociale-démocrate bien ancrée dans province. Il n'hésite d'ailleurs pas à citer le programme de garderies au Québec comme un exemple à suivre dans le reste du pays, entre autres choses.

Les stratèges néo-démocrates se plaisent aussi à rappeler que le NPD a reconnu, dans ses documents de fondation dans les années 60, que le Québec est une nation. Et cette semaine, ils ont distribué aux journalistes une dépêche d'Halifax qui rapportait que le gouvernement néo-démocrate de la Nouvelle-Écosse a terminé le dernier exercice financier avec un surplus de 447 millions de dollars, comme quoi les «socialistes» sont capables de bien gérer les finances de l'État. Sans compter que le gouvernement néo-démocrate de Roy Romanow, en Saskatchewan, a été le premier à présenter un budget équilibré dans les années 90, bien avant que le conservateur Ralph Klein de l'Alberta n'y arrive.

À Ottawa, le NPD et le Bloc québécois défendent très souvent les mêmes causes: lutte contre les changements climatiques, meilleur accès à l'assurance emploi, respect des droits des travailleurs, protection des régimes de pension lorsque des entreprises font faillite et respect du bilinguisme au sein des institutions fédérales comme la Cour suprême. Certains s'amusent d'ailleurs à dire que mis à part la question de l'avenir du Québec, le NPD et le Bloc québécois sont presque indissociables.

Il n'est donc pas étonnant que le NPD ait réussi à grappiller des votes au Bloc dans le dernier sondage Angus Reid. Et cette tendance, si elle se poursuit jusqu'au scrutin du 2 mai, risque de s'accélérer lorsque Thomas Mulcair prendra la relève de Jack Layton un jour, comme d'aucuns s'y attendent.